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L’origine du sang chaud des mammifères cachée au fond de l’oreille


Un mammaliamorphe, ancêtre mammifère, à sang chaud expirant de l’air chaud dans une nuit glaciale.

Stefan Glasauer pensait ne pas ignorer grand-chose des secrets de l’oreille interne. Professeur à l’Institut technologique et à l’école de médecine de l’université du Brandebourg, en Allemagne, il décortique le rôle auditif mais surtout positionnel de ce curieux labyrinthe. Percevoir les mouvements angulaires de la tête, enregistrer les accélérations du corps, adapter la vision, conserver l’équilibre… « Cela fait des années que je travaille sur ce système vestibulaire. Découvrir aujourd’hui que la dimension des capteurs pouvait nous renseigner sur la température d’espèces éteintes, j’avoue que ça m’impressionne », confie-t-il.

Une équipe internationale regroupant des scientifiques de sept pays européens et américains a publié mercredi 20 juillet, dans la revue Nature, un article proposant une nouvelle chronologie d’une étape essentielle de l’évolution animale : l’apparition d’espèces dites « à sang chaud ». « Jusque-là, les animaux étaient tous ectothermes. Leur température dépendait de celle de l’extérieur, souligne Ricardo Araujo, chercheur à l’université de Lisbonne et premier auteur de l’étude. C’est l’acquisition de l’endothermie qui a permis aux mammifères et aux oiseaux d’explorer des climats différents, de sortir sous toutes les saisons, de jour comme de nuit, de se déplacer plus vite et plus longtemps. Toutes les innovations attribuées à notre humanité dépendent aussi de ce moment-là. »

« Une idée brillante »

Pour traquer cette bascule, les scientifiques ont, depuis plusieurs décennies, multiplié les approches. Analyser la posture, le diaphragme, les nasaux, la dentition, les isotopes chimiques dans les os… « Les résultats étaient souvent contradictoires et peu convaincants, estime Romain David, postdoctorant au Muséum d’histoire naturelle de Londres et co-premier auteur de la recherche. Mais l’hypothèse principale voulait que cette transition ait eu lieu il y a environ 255 millions d’années de façon graduelle. »

C’est pour tenter d’en vérifier la pertinence qu’en 2017 Araujo et David ont décidé de se pencher sur l’oreille interne. « Notre raisonnement était assez simple, confie le Français de Londres. Les canaux semi-circulaires de l’oreille interne sont des capteurs parcourus par un fluide, la lymphe. Lorsque la température augmente, c’est comme avec le miel, la viscosité du fluide diminue, donc les cils qui enregistrent l’information la captent moins bien. Or on sait depuis plus de cinquante ans que les canaux des mammifères sont proportionnellement plus petits que ceux des lézards ou des poissons. Nous avons fait l’hypothèse que, pour compenser la perte d’efficacité, ils avaient évolué en diminuant la taille des tubes. » « Lier ainsi viscosité de l’endolymphe, température corporelle et morphologie des canaux est vraiment une idée brillante, commente Guillaume Billet, maître de conférence en paléontologie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Et ils l’ont démontré en intégrant plusieurs champs scientifiques : mécanique des fluides, physiologie, morphologie et biologie évolutive. Le tout appuyé sur un jeu de données particulièrement conséquent. C’est très impressionnant. »

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Written by Milo

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