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comment les pompiers s’adaptent au dérèglement climatique


Les incendies de forêts se multiplient et s’intensifient en France. Surtout, ils ne concernent plus uniquement le sud du pays mais touchent désormais des zones bien plus au nord. Une situation qui oblige les pompiers à s’adapter.

Fortes températures, sécheresse, faible hydrométrie… Depuis début juillet, la France s’embrase sous la pression de ce cocktail explosif. Des flammes ravagent la forêt en Gironde, des centaines d’hectares de végétation partent en fumée dans le Gard… Plus surprenant, les régions du nord de la France ne sont pas épargnées.

Lors du récent épisode caniculaire, un incendie a dévasté les Monts d’Arrée en Bretagne et les pompiers ont dû intervenir sur de multiples feux de champs dans les Deux-Sèvres, la Somme, le Nord, le Pas-de-Calais… “Cette guerre du feu n’est plus concentrée sur l’arc méditerranéen et n’a plus vraiment de saisonnalité”, résume Sébastien Lacroix, conseiller technique feux de forêts dans le Loir-et-Cher.

“Ce que vit le Sud-Est, on va en vivre une partie sur tout le territoire”, prévient-il.

“On ressent un risque accru”, abonde Bertrand Lepoutère, conseiller technique feux de forêt du Sdis (Service départemental d’incendie et de secours) de Meurthe-et-Moselle, contacté par BFMTV.com. Cette semaine, dans son département, le risque incendie a atteint son indice maximum, un seuil d’alerte extrêmement rare.

Un réchauffement qui “va plus vite que prévu”

Selon les experts, la multiplication des incendies et la hausse de leur fréquence, notamment dans des régions d’ordinaire épargnées, sont une conséquence directe du dérèglement climatique, qui crée des conditions de plus en plus propices aux feux.

“On n’est pas en retard dans notre adaptation”, assure cependant Alexandre Jouassard, porte-parole de la sécurité civile à BFMTV.com.

“C’est juste qu’aucun modèle n’annonçait ce que l’on vit aujourd’hui. Le réchauffement climatique va plus vite que prévu.”

“Là, on est en train de généraliser la doctrine” de lutte contre les feux de forêt à tout le territoire, explique Sébastien Lacroix. Il y a quelques années, “on ne l’aurait pas imaginé”.

Evolution de la cartographie nationale des zones potentiellement sensibles aux incendies de forêts
Evolution de la cartographie nationale des zones potentiellement sensibles aux incendies de forêts © DRIAS

De nouveaux équipements

Symbole de ces changements: l’expansion des moyens aériens. “Jusqu’en 2019, il n’y avait de pélicandromes qu’au Sud de la Loire, depuis on en installe au Nord”, explique Alexandre Jouassard. En effet, des bases de ravitaillement pour les avions bombardiers d’eau voient le jour dans la moitié nord du pays.

C’est, par exemple, le cas à Épinal (Vosges). “On a aussi fait une demande pour labelliser un lac pour l’écopage des Canadair”, explique Bertrand Lepoutère face au risque d’incendie en hausse dans les Vosges. Une demande inenvisageable il y a quelques années mais accélérée par la multiplication des départs de feu sur le territoire.

Face à l’urgence, les services adaptent leur équipement. Au Sdis du Loir-et-Cher “on était assez bien lotis avec notamment des engins-citernes feux de forêt”, estime Sébastien Lacroix. Toutefois, il y a quelques années, “s’est posée la question de les garder ou non”. “Mais là on voit bien que oui, et qu’il va même falloir réinvestir”, affirme-t-il.

En Meurthe-et-Moselle, les engins ont été récemment modernisés. “On est passé d’engins de 2000 litres à des engins de 4000 litres”, détaille le lieutenant-colonel Bertrand Lepoutère.

À l’échelle nationale, “on utilise de plus en plus de drones, de caméras, ou, par exemple, de ballons dirigeables avec des capteurs thermiques et d’autant plus sur des zones qui n’étaient pas à risque auparavant”, ajoute Alexandre Jouassard.

De nouveaux pompiers formés

Se pose également le problème de la formation des équipes. “On n’éteint pas un feu de forêt comme on éteint un feu d’immeuble”, affirme le commandant Sébastien Lacroix. Depuis quelques années, l’idée est progressivement d’entraîner des sapeurs-pompiers en dehors de l’arc méditerranéen à ce type d’interventions.

Des spécialisations, en phase de devenir la norme, qui servent en cas de feux sur le département concerné mais également en cas de besoin d’envoi de renforts vers des zones sinistrées ailleurs dans le pays, comme récemment pour la Gironde.

En Meurthe-et-Moselle, 240 sapeurs-pompiers sur un effectif total de 2500 sont ainsi spécialisés sur cette nouvelle problématique des feux de forêt “Et il est fort probable que ce chiffre soit vu à la hausse”, ajoute Bertrand Lepoutère, conseiller technique feux de forêt du département.

Une “organisation militaire” se met en place

“Le changement, c’est surtout qu’avant (les pompiers) travaillaient en autonomie”, précise Bertrand Lepoutère. Aujourd’hui, il y a une collaboration interservices et interdépartementale. “Seuls, on ne peut pas réagir”, abonde Sébastien Lacroix.

Les sapeurs-pompiers sont ainsi en étroite collaboration avec l’Office national des Forêts (ONF). “Avec eux, par exemple, on établit des règles sur les travaux en forêt ou on identifie des points de pénétration dans les bois car les massifs ne sont pas adaptés, comme dans le Sud, à l’entrée des pompiers, alors on va créer des pistes pour laisser passer les engins”, explique Bertrand Lepoutère.

La Chambre d’Agriculture ou encore les prévisionnistes de Météo-France sont également appelés à la rescousse. “Durant les épisodes caniculaires, on fait des visio tous les jours avec eux”, poursuit-il.

“C’est une véritable organisation militaire, il y a trois ans, on n’avait pas un tel dispositif”, explique le commandant Sébastien Lacroix.

Une population à sensibiliser

Face à une évolution si rapide, il est également nécessaire de former la population aux risques d’incendies de forêt. “Nos populations de la moitié nord du pays sont peut-être moins alertes et plus sceptiques vis à vis des conduites à tenir”, affirme Sébastien Lacroix.

“On peut faire beaucoup mieux sur cette prévention et cette sensibilisation, et cela vaut aussi pour la multiplication d’autres risques comme les inondations ou les avalanches”, détaille Alexandre Jouassard.

Pour rappel, les pompiers et les autorités appellent notamment à ne pas jeter ses mégots de cigarette en forêt ou par le fenêtre d’une voiture, à ne pas allumer de feu ou de barbecue aux abords des forêts, ou encore à éviter les travaux sources d’étincelles à proximité de la pelouse et des herbes sèches, notamment les jours de fort risque d’incendies.

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