in

des développeurs veulent débarrasser le code informatique de termes jugés racistes

[ad_1]

Des expressions comme “master” et “slave” sont dans le collimateur de bon nombre de développeurs, qui souhaitent les voir disparaître du code informatique. Le changement, cosmétique en apparence, divise profondément le secteur.

Après l’écriture inclusive, le code inclusif. Alors que des manifestations et émeutes s’enchaînent aux États-Unis pour lutter contre les discriminations raciales et que le mouvement Black Lives Matter prend chaque jour un peu plus d’ampleur, un débat est venu susciter de vives prises de position dans la communauté informatique: bannir, ou non, du développement de logiciels et du code des expressions jugées clivantes, à l’image de “whitelist” (liste blanche), “blacklist” (liste noire), mais surtout de “master” (maître) et “slave” (esclave).

“Il est clair que certaines personnes sont blessées par ces termes et que leur utilisation suscite chez elles un sentiment de malaise, non pas pour des raisons techniques, mais en raison de leur contexte historique et social”, considérait tout récemment Google, en estimant qu’il s’agissait d’arguments suffisants pour les faire disparaître. “Master-slave est une métaphore oppressive qui ne sera et devrait jamais être totalement détachée de notre histoire”, soulignait dans la foulée un développeur de Microsoft, qui appelle à leur remplacement.

“Blocklist” pour remplacer “blacklist”

Quelques semaines auparavant, l’agence de cybersécurité du gouvernement britannique décidait de cesser d’utiliser ces mêmes notions, perçues comme “racistes”. “Il est assez courant de dire ‘liste blanche’ et ‘liste noire’ pour décrire les choses souhaitables et indésirables en matière de cybersécurité”, expliquait-t-elle alors. “Cependant, il y a un problème avec la terminologie. Cela n’a de sens que si vous assimilez le blanc à ‘bon, autorisé, sûr’ et le noir à ‘mauvais, dangereux, interdit’. Ce qui pose des problèmes évidents”, jugeait l’agence.

L’autre problème: les expressions à bannir n’ont pour l’heure pas trouvé de remplaçantes qui fassent consensus. L’IETF (Internet Engineering Task Force), le consortium international qui discute et édite les standards de l’informatique, fait une série de suggestions, parmi lesquelles “blocklist” (liste de refus) et “allowlist” (liste d’autorisation), ou encore “primaire-secondaire”, pour la combinaison “maitre-esclave”. Sans que la communauté des développeurs ne se soit mise d’accord sur une option définitive.

Les développeurs divisés

“Cette discussion inexistante chez les développeurs jusqu’ici a pris une ampleur impressionnante ces dernières semaines. J’ai rarement vu les développeurs aussi divisés”, confie Mehdi Zed, développeur chez Ubisoft, auprès de BFM Tech. “Je pense que cela vient surtout du fait que nous utilisons fréquemment ces termes dans notre code, sans même penser à des questions raciales.”

Alex Rock, développeur web et consultant en informatique, voit déjà plus loin et discerne, très sérieusement, d’autres expressions à écarter. “En informatique, un certain nombre de termes violents pourraient en réalité être modifiés: le ‘kill’ (tuer) qui sert à arrêter un logiciel lancé, l’expression ‘violation’, qui peut rappeler le viol, ou encore tout ce qui est relatif aux ‘contraintes’ de validation, ce qui est assez négatif en soi. Je préfère en l’occurrence le terme de ‘règles'”. De même pour Richard Hanna, développeur au sein de la coopérative Fairness, qui préfèrerait voir disparaître le terme “deadline”, mortifère à ses yeux et facilement remplaçable par “date limite”.

Jusqu’où ira cette réécriture du code? Pour Maria Candea, docteure en linguistique française, maîtresse de conférences à l’université Sorbonne Nouvelle, “dans le langage courant, il arrive régulièrement que l’on bannisse des expressions en fonction de l’évolution des mentalités. Les mots ‘domestique’ ou encore ‘crevard’, qui aura longtemps servi à nommer les bébés prématurés, sont ainsi derrière nous. Cela se fait de façon progressive. Pour ce qui est du langage cette fois-ci informatique, les changements s’avèrent beaucoup plus soudains. Tout simplement parce qu’il s’agit de termes techniques qui font partie de glossaires de référence et qui nécessitent un accord général et simultané.”

Un travail de fourmi

En l’occurrence, ces changements d’expression nécessitent un travail d’ajustement de la part des développeurs, parfois minutieux, et plusieurs tests pour éviter toute incompatibilité ou dysfonctionnement entre logiciels. Tous devront en effet recourir à la même dénomination, “blocklist” par exemple, pour fonctionner de façon satisfaisante. “Si l’on se contente de changer une simple expression, sans aller plus loin, c’est de la langue de bois, de la pensée magique!”, complète Maria Candea. “Cela n’aura aucun effet, voire sera ridicule. Mais si ces changements sont couplés à une dynamique de fond, ils peuvent contribuer, modestement, à nous faire avancer et sortir, le cas échéant, de schémas racistes.”

Sur quatre développeurs sollicités, aucun n’indique néanmoins avoir au cours de sa carrière été confronté à un confrère heurté par ces expressions. “C’est encore, et j’en fais malheureusement partie, une discussion de blancs privilégiés qui essaient d’inclure un peu plus les personnes discriminées dans la terminologie”, note l’un d’entre eux. “Ce combat m’apparaît secondaire, voire, dans les cas les plus radicaux, potentiellement délétère. Ce n’est en tout cas pas la meilleure manière de défendre la juste cause de la lutte contre le racisme”, défend pour sa part Baptiste Mélès, philosophe des sciences chargé de recherche au CNRS.

“D’une part, car l’action politique et sociale se mène à l’échelle du discours ou de la phrase, pas du mot. De l’autre, car, historiquement, les notions de maître et d’esclave, mais aussi les connotations respectives du blanc et du noir dans la culture occidentale ne datent pas du commerce triangulaire: on les trouve dans l’Antiquité et elles n’étaient pas reliées à des questions de couleur de peau. Le statut d’esclave à Rome était un statut politique et les connotations respectives du noir et du blanc étaient liées à la luminosité. C’est donc se tromper sur l’histoire des mots de les interpréter dans le seul contexte du XVIIIe siècle américain.” Peu importe ce biais de perception: la perspective d’un grand ménage dans le code informatique gagne chaque jour un peu plus de terrain chez les développeurs.

[ad_2]

What do you think?

Written by Germain

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

en France, dépasser les 40 °C devient la norme

Les meilleurs moments pour observer la pluie d’étoiles filantes des Perséides