Au lendemain de la parution de l’enquête du Monde sur la production, par l’entreprise russe Terneftegaz, codétenue par TotalEnergies, d’un condensat de gaz transformé ensuite en kérosène et utilisé par l’armée russe pour bombarder l’Ukraine, le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune, a appelé, jeudi 25 août, dans la matinée, à « faire la lumière » sur le rôle qu’occupe le pétrolier français en Russie. « C’est un sujet extrêmement sérieux, a expliqué M. Beaune sur France 2, donc il faut bien vérifier que, volontairement ou involontairement, il n’y ait pas détournement soit des sanctions, soit de l’énergie que des entreprises françaises ou d’autres produiraient. »
En s’appuyant sur une enquête de Global Witness ainsi que sur la base de données financières Refinitiv, Le Monde a remonté la chaîne d’approvisionnement en kérosène de deux bases militaires (Morozovskaïa et Malchevo), jusqu’au gisement de gaz de Termokarstovoïe, en Sibérie, codétenu par TotalEnergies et où sont extraits des condensats de gaz, un hydrocarbure léger. Ces bases abritent chacune un escadron d’avions de combat multirôle, accusés, par Amnesty International et Human Rights Watch, d’avoir frappé la population civile ukrainienne, notamment lors du bombardement du Théâtre de Marioupol, qui aurait causé la mort de centaines de personnes, le 16 mars.
Rôle auparavant minimisé
Vendredi matin, le géant pétrolier a publié un communiqué dans lequel il affirme que tous les condensats de gaz sortis de terre par sa coentreprise Terneftegaz et stabilisés dans l’usine de son partenaire russe Novatek sont livrés au complexe industriel de Ust-Luga pour être transformés en « une série de produits dont du kérosène qui est exclusivement exporté hors de Russie et ce jet fuel [carburant pour avion] n’a pas les certificats nécessaires pour être vendu sur le marché russe ». Et le groupe français d’en conclure : « Les allégations de certains médias et les appels à enquêter sur les activités de TotalEnergies dans nos sociétés conjointes n’ont absolument aucune base factuelle. »
TotalEnergies reconnaît toutefois que l’usine de Novatek, partenaire dont il est actionnaire, « contribue également à stabiliser les condensats d’autres producteurs russes ». Ce qui signifie qu’ils peuvent servir à fabriquer du carburant pour d’autres clients, notamment l’armée. « Alors que les faits sont clairs, ces nouvelles déclarations de TotalEnergies contredisent les précédentes, lorsque le groupe affirmait que tous les liquides de gaz et condensats étaient traités ensemble dans l’usine de Purovsky, réagit Global Witness, ce qui rend d’autant plus nécessaire le lancement d’une enquête. »
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