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A Prudhoe Bay, en Alaska, les forçats du froid rêvent de gaz naturel pour remplacer le pétrole


Vue aérienne de Prudhoe Bay (Alaska), le 21 septembre 2016.

Onze heures durant, Eadia Hamberlin a roulé vers le nord sur une piste en gravier. Assaillie de poussière, ballottée par la route, elle a admiré les montagnes de la North Slope, puis longé avec ennui la toundra marécageuse. Enfin, elle est arrivée à Prudhoe Bay, champ pétrolifère situé au bord de l’Arctique, à l’extrême nord de l’Alaska. Ce 1er juillet, au lieu-dit Deadhorse, elle promène son chien, sous le soleil, entre les cabines préfabriquées et les derricks, avant de livrer sa cargaison… de diesel. C’est le paradoxe : il faut convoyer du carburant venu du sud pour faire tourner la base pétrolière de Prudhoe Baye, qui, en 1967, fut la plus grande découverte d’or noir aux Etats-Unis.

Sur huit cents kilomètres, Eadia Hamberlin a longé le Trans-Alaska, pipeline reliant depuis 1977 Prudhoe Bay au port de Valdez – qui a l’avantage de ne jamais être pris par les glaces –, sur le Pacifique. Mais le tuyau fonctionne à sens unique et tout doit être acheminé sur la base par camion. Ici, il n’y a presque pas de femmes et on n’y reste pas. « Bienvenue à Deadhorse, zéro habitant, proclame Norman Piispanen, vétéran de la base. Même s’il y a jusqu’à 5 000 personnes, on ne vit pas là. Il n’y a pas de propriété résidentielle, pas d’école, pas de restaurant. Tout est industriel, et c’est volontaire. » L’ensemble est géré par les compagnies pétrolières qui exploitent le gisement, actuellement la société texane Hilcorp. Les firmes sont dans le viseur des autorités de régulation et des défenseurs de l’environnement : l’endroit est donc propre, sans les cadavres de voitures et les déchets qui jonchent les villages côtiers de l’Alaska. Devant les torchères et les pipelines, des caribous pâturent.

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Les sous-traitants sont au service des compagnies et leurs salariés, logés dans des cabines. On ne parle pas d’« hôtels », mais de « camps », pas vraiment à tort. Au « Deadhorse Camp », non seulement les repas et les douches sont partagés, mais les toilettes sont installées en rang d’oignon, avec un rideau en plastique en guise de fermeture. Tout le monde va et vient. « Je fais trois semaines ici, trois semaines en Oregon et ce, depuis trois ans. J’ai une maison à rembourser et quand je suis à la maison, je peux réellement voir ma femme », explique Glenn Lemaire, sous-traitant pétrolier au volant de son pick-up.

Sous le soleil du solstice, Prudhoe Bay a des airs de station balnéaire. « C’est sympa, mais quand le vent souffle, qu’il fait – 50 °C, ça l’est moins », tempère Norman Piispanen, dans cet espace solitaire où le soleil disparaît pendant cinquante-quatre jours, autour de Noël. Sur place, on se serre les coudes. « Les gens s’entraident. Ils savent que si tu es là, c’est pour travailler dur et pas pour rendre la vie des autres encore plus pénible », résume Molly Fae Nash, 30 ans, qui, avec son mari, tient le « Deadhorse Camp ». A la seule épicerie du coin, le tenancier trouve que le business n’est guère florissant. Avec tous les clients, il fustige le président Joe Biden. Sur cette terre républicaine, cela paraît normal. Mais ça l’est encore plus en raison du combat mené par l’administration démocrate contre les hydrocarbures.

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