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Reportage dans les coulisses d’Ariane 6

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[EN VIDÉO] Essais de rétractation des bras cryotechniques d’Ariane 6
  Essais de rétractation des bras cryotechniques d’Ariane 6 sur le site d’ADF à Fos-sur-Mer. Cette manœuvre demande une grande précision pour, quasi simultanément, déconnecter les bras, mettre les flexibles d’alimentation à l’abri des éjections de gaz des boosters et laisser passer le lanceur en évitant tout contact avec lui. ADF est l’entreprise responsable du GME en charge du développement de ces bras qui comprend également Air Liquide et Cegelec. Elle avait également réalisé les bras cryotechniques d’Ariane 5. © ESA 

23 juin 2022 au Centre spatial guyanais. Ariane 5 a décollé la veille. Il ne lui reste plus que quatre vols à faire, dont le prochain – le 6 septembre – tandis que le dernier enverra la sonde européenne Juice vers les lunes glacées de Jupiter en avril 2023.

C’est une campagne au long cours… mais c’est une course d’endurance

C’est justement en 2023 qu’Ariane 6 doit désormais voler alors qu’elle devait initialement décoller en 2020. La Covid-19 a, en bonne partie, décalé le premier vol mais en réalité, un lanceur ne décolle jamais à l’heure pour sa première fois. Pour Ariane 6, il reste une dernière ligne droite. « C’est une campagne au long cours, avec des moments forts, mais c’est une course d’endurance », nous confie Franck Huiban, responsable des programmes civils chez ArianeGroup.

Pleins feux sur les essais « système »

Ariane 6 a déjà commencé sa rencontre avec son pas de tir. Plus précisément, c’est le tout premier exemplaire du corps central d’Ariane 6 qui a rejoint « le portique », où s’y sont jointes des maquettes en taille réelle des quatre boosters latéraux qui équipent la fusée européenne. Déjà, avant l’arrivée du corps central, le pas de tir avait été testé avec une maquette façon « squelette ».

Longtemps attendus, les essais combinés sont en cours. Ils consistent à tester en conditions réelles les équipements du lanceur mais aussi du pas de tir. Il fallait pour les conclure une vraie Ariane 6 sur place. Le fait que les boosters P120C ne soient que des maquettes pour le moment n’est pas important, leur carburant étant avant tout solidea contrario du corps central. D’ailleurs, le P120C a déjà été qualifié car il est aussi le premier étage de la nouvelle fusée Vega-C, dont le tir inaugural du 13 juillet fut un succès. Le corps central utilisé ne décollera pas lui non plus. Il sert aux essais et c’est un second exemplaire, pas encore arrivé au Centre spatial guyanais, qui réalisera le vol inaugural d’Ariane 6 en 2023.

Au cours des essais combinés, plusieurs mises à feu sont prévues, dont une qui durera autant qu’un vrai vol mais avec la fusée restant au sol, ainsi que des tests de remplissage et drainage des réservoirs. Le but est de tester l’aptitude du lanceur et du pas de tir aux conditions du décollage, mais aussi de mettre au point toutes les procédures qui seront suivies lors du lancement. En ce qui concerne la propulsion à proprement parler, Franck Huiban, responsable des programmes civils chez ArianeGroup nous rappelle que « la propulsion d’Ariane 6 est qualifiée, le Vulcain [moteur 1er étage, ndlr], le Vinci [moteur étage supérieur], et l’APU [Auxilliary Power Unit], ce petit moteur additionnel que nous avons inclus dans l’étage supérieur et qui a étendu considérablement les capacités de lancement d’Ariane 6, et bien sûr le P120C ».

On est vraiment aux derniers steps

« On est vraiment aux derniers steps », précise Tony Dos Santos, responsable adjoint des essais combinés à l’ESA, soit aux dernières étapes. En réalité, la campagne des essais combinés avait commencé déjà plusieurs mois avant notre venue fin juin. Jusqu’à l’arrivée du corps central, les essais portaient notamment sur « la partie haute », avec la qualification des bras cryotechniques reliant le pas de tir au lanceur pour en approvisionner le corps central en carburant jusqu’à la dernière seconde. Aujourd’hui, il reste surtout les mises à feu et toutes les vérifications possibles et imaginables avant de passer à la qualification d’Ariane 6.

Bientôt une date du tir inaugural ?

Il faut noter que les essais combinés testant l’étage principal au Centre spatial guyanais (CSG) sont doublés d’autres essais « système » de l’étage supérieur à Lampoldhausen, en Allemagne, avec aussi des mises à feu. Une fois ces deux campagnes conclues, on pourra « qualifier » Ariane 6 et son pas de tir, puis passer à la première campagne de vol. C’est-à-dire que tant que cette qualification n’est pas faite, il est difficile de dire précisément quand Ariane 6 décollera pour la première fois. Toutefois, Joseph Aschbacher, DG de l’ESA, a précisé que le calendrier sera plus clair en octobre prochain.

Au CSG, Ariane 6 s’installe partout. Au centre de contrôle Ariane/Vega, la nouvelle salle de contrôle est déjà opérationnelle et en cours de tests. Au site de lancement, le Bâtiment d’assemblage lanceur (BAL) a intégré avec succès son premier corps central d’Ariane 6. Celle qui fera le vol inaugural n’est pas encore assemblée ni même arrivée. Ce 23 juin, Franck Huiban nous précisait que les deux étages du premier exemplaire de vol étaient en cours d’intégration à Brême et aux Mureaux.

Déjà, des équipes qui travaillaient sur Ariane 5 ont été déployées sur Ariane 6. Le planning est désormais serré pour Ariane 6. Après quelques vols institutionnels pour roder les procédures de campagne, le « ramp-up » (la montée en cadence) suivra avec à la clé 18 vols pour Amazon de 2024 à 2026. On se dit de moins en moins que des tirs Ariane 5 et 6 pourraient se mélanger pendant quelques mois. Ariane 5 s’en va peu à peu, et avec elle tout un monde de l’industrie spatiale, cédant sa place à l’arrivée de nouvelles méthodes plus simplifiées, optimisées, et ainsi moins coûteuses.

Voler moins cher au CSG

L’Ensemble de lancement 4 (ELA 4) est un pas de tir de nouvelle génération par rapport à tous les autres du CSG. C’est le Cnes qui en a la maîtrise d’œuvre. ELA 4 est en fait le 9e ensemble de lancement construit au CSG. ELA 4 témoigne de nombreuses innovations qui serviront à réduire les coûts. Mirtho Madlon, responsable adjoint ELA 4 au Cnes, nous accueille sur le pas de tir et nous explique pourquoi il a été construit là, à savoir d’abord « pouvoir avoir un socle granitique assez conséquent pour supporter l’ensemble de l’infrastructure ». Il est vrai que la qualité du sol du littoral guyanais peut demander des fondations assez profondes avant d’atteindre une couche solide. Enfin, la sécurité : « le Cnes a la responsabilité de la sauvegarde des biens et des personnes. Le site est assez éloigné des autres pas de tir, et aussi des zones habitables. Ici, on est à une vingtaine de kilomètres de Kourou ».

Mirtho Madlon nous explique comment sont réduits les coûts d’exploitation. Tout d’abord, moins de bâtiments à climatiser et entretenir : un seul pour Ariane 6 (le BAL) contre deux pour Ariane. L’assemblage à l’horizontale au BAL permet d’utiliser un bâtiment moins haut, donc moins cher. Pour information : la climatisation (indispensable pour la santé des satellites) représente 10 % de la consommation électrique du CSG, qui représente 10 % de toute la consommation de la Guyane !

Mirtho Madlon précise aussi qu’il n’y a qu’une seule table de lancement, fixe sur le pas de tir, contre deux tables mobiles à entretenir pour porter Ariane 5. Le système de « déluge » (fontaines d’eau à très fort débit) utilisé lors de la mise à feu protège les installations du pas de tir lors du décollage. Le but pour le Cnes est que ELA 4 soit à nouveau opérationnel au bout de cinq jours, une cadence que l’on ne retrouve que chez SpaceX. Autre innovation : les bras cryogéniques, qui assurent la connexion entre Ariane 6 et ELA 4 (notamment l’alimentation en carburant), sont retirés « en temps positif », c’est-à-dire après la mise à feu du moteur principal, au moment du décollage. Ainsi, en cas d’avortement lors de la mise à feu (ce qui arrive parfois), on n’a pas à reconnecter le lanceur au pas de tir, nécessitant un report du vol au lendemain.

Le portique, la « Dame de Fer guyanaise »

On le comprend, beaucoup de la réussite repose sur le portique mobile, chargé de dresser verticalement Ariane 6 pour y joindre les P120C sur le pas de tir et faire les dernières préparations. Le portique recule de 140 mètres avant le décollage. C’est une véritable cathédrale métallique qui se déplace sur rails à l’aide de 128 moteurs électriques. Il faut dire que le portique pèse près de 8.000 tonnes, ce qui revient « à peu près au poids de la Tour Eiffel ».

Quand on déplace le portique Ariane 6, cela revient à déplacer la Tour Eiffel

« Quand on déplace le portique Ariane 6, cela revient à déplacer la Tour Eiffel », nous dit Franck Huiban, responsable des programmes civils chez ArianeGroup.

Innovations face aux coûts, la conception d’Ariane 6 répond directement à la baisse des coûts proposée par SpaceX. Tony Dos Santos, responsable adjoint des essais combinés à l’ESA, précise : « avec Ariane 5, on était dans les années 1990, on ne parlait pas de coûts, c’était la technologie avant tout. On avait un lanceur très technologique. Ariane 6 hérite d’Ariane 5, mais avec la réduction de coûts comme maître mot ». Ce à quoi Franck Huiban d’ArianGroup répond immédiatement : « Ariane 6 est un lanceur qui embarque énormément d’innovations technologiques par rapport à Ariane 5 ».

Un manifeste débordant

Assemblage et roulage à l’horizontale, infrastructures plus économiques en énergie, campagnes de tirs plus courtes pour une meilleure cadence, L’ESA souhaite que le pas de tir ELA 4 puisse soutenir la même cadence qu’un pas de tir Falcon 9 : deux tirs par mois. Cette cadence permettra de réduire significativement le prix d’un vol. L’autre avantage d’Ariane 6 est sa flexibilité. La version 64 (avec quatre boosters) permet d’atteindre les mêmes capacités qu’Ariane 5 tandis que la version 62, (deux boosters) pourrait se substituer à la Soyouz et desservir l’orbite basse. Franck Huiban précise que l’APU « permettra à l’étage supérieur de remplir des missions très complexes, [avec] des trajectoires sophistiquées qui sont parfaitement adaptées au déploiement des constellations de satellites ».

Une version plus performante avec des boosters plus puissants P120C+ devrait voir le jour d’ici quelques années, et pourrait servir aux ambitions lunaires. Il y a aussi la question d’adapter Ariane 6 au vol habité. Chez ArianeGroup, on nous assure qu’il n’y aurait pas de changements radicaux à apporter à la fusée pour accueillir un vaisseau spatial européen. Pour la question de quand, Daniel Neuschwander, en charge des systèmes de transports spatiaux à l’ESA, nous assure que c’est avant tout une question politique. Rendez-vous au Space Summit de 2023.

Le carnet de commandes est rempli à ras bord ! Avec le méga-contrat avec Amazon et la guerre en Ukraine qui prive Arianespace de la Soyouz, beaucoup de satellites se retrouvent à bord d’Ariane 6. Avec un premier vol en 2023, on peut espérer une montée en cadence (ramp-up) en 2024 au plus tôt, et les 18 vols pour Amazon doivent être réalisés d’ici 2026 inclus. Comme ça se bouscule dans le manifeste d’Ariane 6, l’ESA envisage de recourir à SpaceX pour l’envoi de certaines charges utiles de l’agence.

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