Le bambou pousse à une vitesse vertigineuse

Publié le : 18/09/2022 – 00:43

Nous sommes à l’entrée des Cévennes, dans le sud de la France, et le long de la vallée formée par le Gardon d’Anduze apparaissent les premiers châtaigniers et, moins habituels, des bambous. Comme un bout d’Asie dans le paysage cévenol. C’est la Bambouseraie des Cévennes, autrefois nommée de Prafrance, la plus grande concentration de bambous d’Europe, créée en 1856 par Eugène Mazel, amateur de botanique, qui fit venir ses premiers bambous d’Asie, puis d’autres plantes exotiques. Aujourd’hui, plus d’un siècle et demi plus tard, plus de 200 espèces de bambous composent ce jardin d’acclimatation exceptionnel, sur les 1 500 espèces de bambous qu’on compte partout dans le monde, sauf en Antarctique.

Rodolphe Bourdin, le directeur technique de la Bambouseraie des Cévennes, a choisi de nous conduire au pied du « champion de la bambouseraie », Phyllostachys edulis, qui s’élève haut, très haut, dans le ciel azur. « Ce sont de très beaux bambous, on voit qu’ils ont une couleur bleutée, avec de très gros diamètres au niveau du chaume. » Jusqu’à 20 centimètres de diamètre pour le chaume, la tige du bambou, qu’on pourrait comparer à un tronc. C’est du bois, très résistant, utilisé notamment dans la construction.

Une forêt d’herbe

Ici, à la Bambouseraie des Cévennes, c’est une vraie forêt, sur plusieurs hectares. Mais une forêt d’herbe, car le bambou est une herbe. Une herbe haute, qui pousse à une vitesse folle, plus vite que son ombre, pour écraser la concurrence. « La pousse qui est devant nous est une pousse de l’année, précise Rodophe Bourdin. En deux mois, on est parti de zéro, du sol, à 18 ou 20 mètres. Quand la pousse sort, elle a exactement le même diamètre que le bambou adulte. Ensuite, ça fait comme une antenne télescopique qui se déplie. C’est assez impressionnant pendant la période de pousse : quand vous passez chaque jour devant, vous voyez que la hauteur du bambou est différente. Ça peut aller jusqu’à 80 centimètres de pousse par jour, quand les conditions sont bonnes : quand il y a une bonne hygrométrie, quand le sol est chaud, quand il fait beau… la nature explose ! »

Le bambou est dur, et pousse vite. Voilà des qualités indéniables pour un instrument de torture. On l’appelle la chaise à bambou, proche du supplice du pal – on vous laisse imaginer… La chaise à bambou était utilisée pendant des siècles en Asie, et plus récemment pendant la guerre du Vietnam sur les prisonniers de guerre américains.

Floraison mortelle

Mais le bambou a d’autres qualités ! Il affiche une jolie performance écologique en absorbant deux fois plus de CO2 qu’un arbre – un allié dans la crise climatique. Et ses rhizomes s’étendent rapidement sous terre pour donner d’année en année d’autres pousses de bambous.

Le bambou est une herbe qui ne fleurit qu’une fois dans sa vie, et ça se passe au même moment pour une même espèce partout dans le monde. « C’est comme une graminée quand elle monte en épi, explique Rodolphe Bourdin. Quand on dit floraison, on ne voit pas vraiment de fleurs. Mais du coup, le bambou s’épuise et meurt. » Et là, c’est le drame pour les pandas qui se nourrissent presque uniquement de bambous. Il y a quelques années, dans la province du Sichuan en Chine, les pandas se retrouvèrent fort dépourvus quand tous les bambous fleurirent et moururent en même temps.