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Penser et agir dans un monde en feu

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L’espace d’un été, le monde a basculé. Aucun coin de terre n’a échappé à sa saison en enfer. Chacun a pu ressentir le désastre au bord du balcon, percevoir l’apocalypse au bout du jardin, connaître la suffocation sur les routes en goudron. Et éprouver non pas le « printemps silencieux » documenté par la biologiste américaine Rachel Carson (1907-1964), alertée par la disparition du chant des oiseaux due aux pesticides, mais un été assourdissant, alourdi par un air plombant, asséché comme l’étaient les rivières et les torrents, jauni et craquelé comme le furent les pelouses et les champs.

Ce sont souvent les plus modestes qui ont enduré les effets les plus dévastateurs des pics de chaleur et pris de plein fouet les tempêtes, avec le sentiment que le ciel leur tombait sur la tête. Mais les populations les plus épargnées habituellement ont rarement échappé à la touffeur de cet été meurtrier, ainsi qu’aux nuages de cendres provenant d’incendies qui dévastaient les Landes ou les monts d’Arrée, recouvrant le paysage d’un voile inquiétant. Telle une ombre au tableau qui nous colle désormais à la peau. In girum imus nocte ecce et consumimur igni : le palindrome d’origine latine utilisé en 1978 par Guy Debord (1931-1994), cofondateur de l’Internationale situationniste, prend peut-être aujourd’hui une nouvelle signification : « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. »

Lire l’éditorial du « Monde » : Climat : été extrême, urgence absolue

La prise de conscience des ravages a pénétré le langage, et l’on nomme désormais ce sentiment de perte, de désarroi et de mélancolie provoqué par la dégradation de notre propre « environnement ». Forgée au début des années 2000 par le philosophe australien Glenn Albrecht – auteur des Emotions de la Terre (Les liens qui libèrent, 2020) – lui-même bouleversé par les saccages de l’exploitation minière de la Hunter Valley, une région au nord de Sydney dont il est originaire, la « solastalgie » désigne ce « sentiment de désolation causé par la dévastation de son habitat et de son territoire », mais aussi « le mal du pays que vous éprouvez alors que vous êtes toujours chez vous ». Elle résonne avec l’« écoanxiété », théorisée à la fin des années 1990 par la chercheuse en santé publique belgo-canadienne Véronique Lapaige, qui s’est largement popularisée. Si la solastalgie, cette douleur morale causée par la disparition de son propre milieu de vie, est une tristesse de rétrospection, l’écoanxiété, suscitée par la crainte d’un effondrement à venir, est une angoisse d’anticipation.

« Un drame de l’être »

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