La campagne de rappel contre le Covid-19 avec les nouveaux vaccins adaptés à Omicron doit démarrer lundi 3 octobre, tandis que les infections repartent à la hausse en ce début d’automne. Si l’épidémie due au SARS-CoV-2 ne fait plus les gros titres de la presse, les discours antivax restent présents sur les réseaux sociaux. Récemment, deux « études » ont été reprises pour critiquer l’efficacité de la vaccination avec des procédés désormais bien connus de manipulation.
Des vaccins qui augmenteraient les infections ? Un exemple de « cherry picking »
« Booommm ! Ça va faire mal à certains cet automne, hiver, printemps… Rendez-vous en mars-avril 2023. 😭 ou 🤣 La vaccination augmente le risque d’infection de 44 %, selon une étude d’Oxford. » Dans un tweet, Denis Agret, médecin opposé à la politique vaccinale, s’est félicité mercredi 28 septembre qu’une étude présente les vaccins comme incapables de protéger du Covid-19, voire comme augmentant le risque de l’attraper.
Pourquoi c’est trompeur
Le docteur Agret cite une publication de The Daily Sceptic, site complotiste né dans le prolongement de la crise sanitaire. Ce texte s’appuie sur un article de l’université d’Oxford au sujet de l’efficacité des vaccins sur la population britannique, qui conclut que, chez les personnes en poids de forme de 14 ans et plus, pour chaque non-vacciné qui attrape le Covid-19 on compte l’équivalent de 1,44 personne ayant reçu deux doses de vaccin qui tombe malade, ce qui montrerait un effet négatif du vaccin.
Il s’agit d’un procédé de démonstration connu comme la méthode du « cherry picking » (expression anglaise qui signifie littéralement « cueillette de cerises »), qui consiste à sélectionner uniquement les données allant dans le sens de ses assertions, et à ignorer celles qui les contredisent.
En l’occurrence, ce chiffre est authentique, mais les auteurs de l’étude précisent qu’il est contraire aux observations de l’Office national des statistiques. « Ce résultat pourrait être fallacieux », alertent-ils en effet, en raison de manques dans les données (les éventuels différences de comportement en matière de santé, inégalité d’accès aux tests, asymptomatiques non repérés, qui ne sont ainsi pas intégrés dans les chiffres, etc.). Fragile, ce chiffre baisse de 1,44 pour les vaccinés à double dose à 0,56 pour ceux qui ont fait un rappel vaccinal.
Depuis 2021, on sait que les vaccins ne protègent pas autant que souhaité face à la contamination, et que leur effet diminue dans le temps. Leur utilité est toutefois évidente sur la létalité du virus. Pour chaque personne non vaccinée qui meurt, seul 0,04 vacciné en poids de forme meurt aussi : c’est vingt-cinq fois moins. « Cette vaste étude sur une cohorte apporte la preuve que l’efficacité des vaccins contre les conséquences graves du Covid-19 est élevée », en déduisent les auteurs – conclusion que se gardent de citer The Daily Sceptic et ceux qui le relaient.
« 98 fois pires que le virus » : une méthode discutable et une titraille trompeuse
« Des scientifiques de Harvard et de Johns-Hopkins ont découvert que les vaccins contre le virus Covid-19 étaient 98 fois pires que le virus. » C’est sous ce titre que le site des DéQodeurs, une des premières communautés QAnon de France, critique une nouvelle fois les vaccins contre le Covid-19, le 23 septembre, en se contentant de traduire le résumé de l’étude, qui avait été mise en lumière une semaine plus tôt par le site d’extrême droite américain The Gateway Pundit.
Pourquoi ce chiffre n’est pas sérieux
Ce titre alarmiste déforme les affirmations de l’étude, qui ne porte pas sur la vaccination contre le Covid-19 en général, mais spécifiquement sur les effets de la troisième dose (ou « booster ») sur les jeunes adultes. « En omettant les termes “boosters” et “jeunes adultes”, l’article [du Gateway Pundit] laissait entendre que les vaccins contre le Covid-19 étaient globalement nocifs alors qu’en réalité nos recherches sont spécifiquement axées sur les 18-29 ans, confirme l’une des coautrices de l’article, Allison Krug, interrogée par Health Feed Back, site anglophone de vérification des rumeurs médicales. Nous ne voulons pas que la déformation de nos travaux laisse entendre que les personnes à risque en raison de leur état de santé ou de leur âge devraient éviter la vaccination. »
L’étude affirme très précisément que « pour chaque hospitalisation due au Covid-19 évitée chez les jeunes adultes précédemment non infectés, nous prévoyons 18 à 98 effets indésirables graves » causés par la troisième dose. Par ailleurs, cette fourchette, qui est très large, est elle-même sujette à débat. En effet, les auteurs ont opté pour un mode de calcul acrobatique : ils comparent un seul effet négatif, l’hospitalisation (comptabilisée de manière stricte par les pouvoirs publics américains), à « des effets secondaires graves » qui, d’une part, sont autodéclarés (donc sans lien établi avec la vaccination) et, d’autre part, peuvent se cumuler pour une même personne (ce qui fait gonfler les chiffres).
Il faut en outre noter que l’étude en question, réalisée par une équipe de recherche qui était déjà à l’origine, en février 2022, d’un article contre les restrictions sanitaires, n’a pas encore été validée par des pairs scientifiques.