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Solène Mirliaz, contre-exemple féminin dans le monde sexué de l’informatique

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À seulement 26 ans, Solène Mirliaz vient d’arriver première ex æquo de l’agrégation d’informatique française. Malgré sa réussite, la désormais enseignante est plutôt pessimiste sur l’évolution à venir d’un secteur encore marqué par la sous-représentation des femmes.

Déménagement oblige, Solène Mirliaz décroche, sur une application de vidéoconférence, un gros casque sur les oreilles, tout sourire. Encore chez elle à Rennes, quelques semaines avant la rentrée, la jeune femme est dans les cartons pour partir à Marseille découvrir sa première classe préparatoire au lycée Thiers, en tant que professeure agrégée d’informatique.


Cette année, sa classe sera composée de 34 garçons, et d’une seule fille. Un déséquilibre qui ne date pas d’hier. « Pour l’instant, on ne voit pas de changement en informatique. Il va falloir du temps. Pourquoi les filles ne vont pas jusque-là ? Est-ce que ça vient de la prépa ? Est-ce que c’est avant ? J’aurais tendance à dire que ça vient très tôt, dès le collège ou le lycée », soupire l’ancienne élève de prépa.

Du Windows familial au Linux personnel

Solène, elle, n’a pas attendu le collège pour découvrir les ordinateurs. L’informatique est arrivée très tôt dans sa vie, dès l’école primaire, grâce à sa famille. « Mon père est responsable informatique. Donc, on a un gros contexte familial. Il y avait un ordinateur disponible à la maison sur lequel je pouvais un peu bidouiller », se souvient Solène. Poussé par son paternel à étudier la sylviculture malgré sa passion pour les ordinateurs, le père de la jeune femme s’est rapidement autoformé à l’informatique. « J’avais déjà quelques livres à la maison sur l’informatique, avec cette idée que si l’on veut apprendre quelque chose, on peut l’apprendre soi-même », explique-t-elle.

Encore en primaire, Solène décide de se lancer dans la création d’un site internet, aux côtés de sa sœur de 9 ans. « On était dans les années 2000, c’était très basique, juste un peu de HTML et de CSS pour la présentation. Le livre sur lequel je me basais, qui donnait des conseils pour coder en JavaScript, était bourré de fautes et je n’ai jamais réussi à coder quelque chose avec. D’ailleurs, mon père l’a lu un jour et m’a dit : “Ça, c’est faux. Ça, c’est faux… Ça aussi !” », s’amuse-t-elle. La jeune professeure a bien conscience que sa découverte de l’informatique a été facilitée par son père : il l’aidait à comprendre les messages d’erreurs, lui donnant quelques conseils pour coder. Au début, elle écrivait ses idées sur papier, avant de lancer le programme dans l’ordinateur Windows familial avec un temps limité, car ce dernier était situé dans la chambre de sa sœur.


Mais rapidement, Solène s’autonomise, elle obtient au collège un ordinateur personnel, qui fonctionne grâce au système d’exploitation Linux, plus adapté pour le codage. Dès lors, elle s’autoforme durant toute sa scolarité, allant même jusqu’à réaliser un jeu vidéo pour un concours ouvert aux lycéens. Elle ne se sent aucunement bridée par de quelconques contraintes sexistes, explique-t-elle : « C’était très bienveillant, au niveau de mes amis comme de mes professeurs. Ça faisait partie de mon identité, parce qu’il n’y avait pas énormément de personnes qui savaient coder. »

Plaisir de se tromper, joie de réussir

Après sa terminale, Solène Mirliaz s’inscrit en classe préparatoire maths/physique au lycée Montaigne de Bordeaux. Autour d’elle, personne ne compte faire de l’informatique : « Il y avait assez peu de gens qui étaient vraiment intéressés. Pourtant, j’avais deux amies qui ne pensaient pas du tout à faire carrière dans l’informatique, mais avec les projets qu’on a eus dans l’année, elles ont trouvé cela plaisant. C’était une ouverture, je pense. »

Ce qu’elle aime dans l’informatique, c’est la liberté et la « bidouille ». « Je pense que c’est le mot qui revient le plus quand on fait de l’informatique pour le plaisir : on va modifier les petites choses et puis on voit comment ça se comporte, on se trompe beaucoup, on réussit, parfois. […] Et puis il y a un mélange de beaucoup de création, de liberté. On peut réellement, à partir de presque rien, juste un ordinateur, faire ce qu’on veut, la seule limite est le temps, rarement les compétences, que l’on développe au fur et à mesure », sourit-elle.

L'une des photographies préférées de Solène Mirliaz : Margaret Hamilton, informaticienne de 32 ans en janvier 1969, pose à côté des scripts du logiciel de navigation qu'elle et son équipe du MIT ont produit pour le projet Apollo, qui a envoyé les premiers hommes sur la Lune.
L’une des photographies préférées de Solène Mirliaz : Margaret Hamilton, informaticienne de 32 ans en janvier 1969, pose à côté des scripts du logiciel de navigation qu’elle et son équipe du MIT ont produit pour le projet Apollo, qui a envoyé les premiers hommes sur la Lune. © Domaine Public / Wikimédia Commons

Après deux années de classe préparatoire, Solène se demande si elle doit tenter l’École normale supérieure de Rennes, option informatique. Elle n’y croit pas trop, mais sa mère, documentaliste, l’encourage à le faire. À raison : la jeune femme est admise. C’est là qu’elle se rend compte qu’être une fille et faire de l’informatique ne va pas nécessairement de soi : « Je me retrouvais vraiment dans un milieu dans lequel tout le monde était là pour faire de l’informatique, et on était trois filles pour dix-sept garçons. » Un taux encore plus faible que la moyenne dans d’autres formations numériques, déjà peu glorieuse : les formations d’ingénieurs membres de la CGE avec une spécialité numérique n’étaient composées que de 27% de femmes en 2017, alors qu’elles sont 55% en études supérieures.

Reste que les professeurs de l’ENS Rennes sont ravis d’avoir des femmes spécialisées en informatique et les accompagnent du mieux qu’ils peuvent, précise la jeune femme. Elle n’a jamais eu de remarques sexistes et dévalorisantes de leur part ou de celle de ses camarades, ce qui n’est pas le cas dans toutes les formations.

Une thèse et une rentrée

Pour conclure ses études à l’ENS, Solène se lance dans une thèse. Objectif : calculer automatiquement le temps qu’il faut à un programme pour encrypter des données présentes sur un navigateur internet, afin d’en améliorer la sécurité. Mais après deux ans et un confinement, Solène n’est plus sûre de vouloir continuer la recherche. Ce changement de voie est aussi encouragé par la création de l’agrégation d’informatique en France, qui permet d’enseigner en lycée et dans l’enseignement supérieur. Plus de 500 candidats, 20 places, des épreuves de 5 à 6 heures, mais Solène est classée première ex æquo aux côtés de l’un de ses camarades, Pablo Espana Gutierrez. Elle va donc faire sa rentrée 2022 avec sa classe de Marseille, tout en menant la fin de sa thèse.

Dans dix ans, Solène espère être toujours heureuse de sa décision, et surtout, avoir convaincu de nombreux élèves de se lancer dans l’informatique. Dont un maximum de femmes, elle l’espère. Car parfois, une carrière ne se joue pas à grand-chose. « Je pense que des encouragements, même d’adultes masculins, comptent beaucoup. Montrer un visage bienveillant, ouvert… Je ne pense pas qu’il faille essayer de cacher le fait qu’il y ait beaucoup d’hommes dans ce domaine », conseille la jeune femme.


Si elle-même n’a pas pâti du manque de figures féminines informaticiennes, nombreuses mais peu présentes dans l’espace public, elle espère que les choses changeront à l’avenir. « Il y a des femmes youtubeuses informaticiennes, c’est clair. Mais quand je cherche des tutoriels sur YouTube, la plupart du temps, ce sont des hommes. Est-ce que ça joue ? Je ne sais pas. Mais c’est un truc que j’aimerais bien faire. Ça ne jouera peut-être que pour une jeune femme, mais ce serait déjà ça ! »

► À lire aussi : Femmes de sciences : la recherche ne doit plus se passer de la moitié de l’humanité



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Written by Milo

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