L’action des entreprises est aujourd’hui un élément-clé dans la lutte contre le réchauffement climatique. De nombreuses études se sont intéressées aux facteurs qui pourraient les pousser à agir. Elles ont mis en évidence le rôle joué par l’activisme actionnarial, les taxes carbone, la présence d’investisseurs responsables, la crainte de réglementations futures, ou les coûts réputationnels liés à l’inaction climatique.
Le rôle joué par l’expérience personnelle du changement climatique que peut faire un dirigeant est en revanche rarement mis en évidence. Pourtant, si la prise de conscience de la réalité du changement climatique se fait généralement de manière abstraite, à travers l’éducation ou des preuves scientifiques comme la lecture des rapports du GIEC, elle se fait aussi de manière concrète, par confrontation aux manifestations du changement climatique.
Une prise de conscience individuelle
Et il s’avère en effet que les entreprises réduisent substantiellement leurs émissions de CO₂ lorsque leurs dirigeants ont été exposés à des températures trop élevées (CEO Exposure to Abnormally Hot Temperature and Corporate Carbon Emissions, Alexandre Garel et Arthur Petit-Romec, Economics Letters n° 210, janvier 2022). Cela suggère que ces dirigeants ont révisé leur perception de la réalité du changement climatique, puis œuvré à réduire les émissions de leurs entreprises, soit pour atténuer leur contribution au changement climatique, soit, plus égoïstement, pour réduire l’exposition de leurs entreprises aux risques de réputation et de régulation liés à une réduction insuffisante des émissions.
Six cent quarante-sept entreprises américaines cotées en Bourse ont été étudiées sur la période 2002-2018. On considère qu’un dirigeant a été exposé à une température anormalement élevée si la température dans la ville où il réside au cours des douze derniers mois est supérieure d’au moins deux degrés Fahrenheit par rapport à la température moyenne observée pour le même mois de l’année et la température annuelle moyenne au cours des dix dernières années.
Les émissions de carbone sont mises à l’échelle en fonction de la taille de l’entreprise, afin de tenir compte du fait que les grandes entreprises ont tendance à avoir des niveaux d’émission plus élevés.
Le constat est le suivant : les entreprises dont les dirigeants ont été exposés à des températures anormalement élevées réduisent en moyenne leurs émissions de CO2 (directes et indirectes) de vingt-sept tonnes de plus, par million de dollars d’actifs, que les entreprises dont les dirigeants n’ont pas subi de températures anormales. Cela correspond à une diminution moyenne des émissions de 378 000 tonnes.
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