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« La loi sur la Mar Menor montre qu’accorder une personnalité juridique à un écosystème en Europe est possible »


Maria Teresa Vicente Giménez est professeure de droit à l’université de Murcia et l’une des figures du mouvement citoyen qui a conduit l’Etat espagnol à reconnaître, le 21 septembre 2022, la personnalité juridique de la Mar Menor, une lagune d’eau salée près de Murcie, sur la côte sud-est de l’Espagne.

Comment l’idée de donner une personnalité juridique à la lagune est-elle née ?

Le mouvement social a vraiment commencé en 2019, lorsque les habitants ont découvert des milliers de poissons morts tout autour du rivage de Mar Menor. Cette lagune d’eau salée est la plus importante de Méditerranée et possède une très grande valeur écologique. Elle est d’ailleurs protégée pour cette raison par de nombreuses conventions. Cela n’a pas empêché un effondrement progressif de son écosystème depuis les années 1970, avec le développement économique rapide de notre région, l’urbanisation et l’intensification des activités agricoles pour transformer notre région semi-aride en jardin maraîcher de l’Europe. L’apport constant de nitrates liés à l’usage massif de pesticides et d’engrais a provoqué le développement d’une algue, le phytoplancton.

Quel a été le processus pour faire adopter la loi ?

Nous avons lancé une initiative législative populaire (ILP) en faveur de la reconnaissance de la personnalité juridique de la lagune, car si nous en sommes arrivés à cette situation, c’est parce qu’elle a été considérée comme une ressource et un objet.

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L’ILP est un outil juridique de démocratie participative qui ouvre la possibilité de proposer un texte de loi au Parlement, à condition de recueillir plus de 500 000 signatures. Nous en avons obtenu plus de 600 000, malgré le Covid-19 ! Cet été, les députés espagnols ont voté la loi reconnaissant la personnalité juridique de la lagune, et le Sénat a confirmé le vote, le 21 septembre. Ce premier pas est important, car il montre qu’accorder une personnalité juridique à un écosystème en Europe est possible.

Des « gardiens » vont représenter les intérêts de la lagune. Ne craignez-vous pas que ces nouveaux droits entrent en conflit avec la liberté des agriculteurs, propriétaires de leurs terrains ?

Pour que cette transition se fasse de manière pacifique, le secteur agricole fait partie des gardiens de la lagune, aux côtés des autres acteurs. La loi précise que ces gardiens sont organisés en trois comités indépendants mais coordonnés : le premier regroupe des représentants du gouvernement et des citoyens nommés pour un an, chargés de représenter la lagune en justice ; le deuxième comprend des représentants de la vie économique – pêche, agriculture, tourisme – et d’autres acteurs comme les jeunes, les femmes, les associations de quartier, les associations environnementales, etc., et sera chargé du suivi ; le troisième est un comité scientifique qui va évaluer la santé écologique de la lagune et conseiller des mesures de restauration. La liberté économique et individuelle est désormais limitée par les droits de la lagune à la vie, à la protection et à la conservation. Les agriculteurs peuvent poursuivre leur activité, mais sans endommager ou provoquer la mort de la Mar Menor.

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