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« L’histoire de l’écologie politique est marquée par la tension entre responsabilité et radicalité »


De vagues de chaleur en pénuries, la matérialité de la crise écologique se fait toujours plus prégnante, mais les écologistes gaspillent une partie de leur énergie à se diviser. Ces divisions ne concernent pas tant l’objectif partagé d’un mouvement qui a toujours été hétéroclite. Cet objectif semble même vital aux yeux des plus jeunes générations militantes : enchâsser le développement humain dans les limites planétaires.

Les divisions portent plutôt sur la priorisation des secteurs et des politiques publiques qu’il convient de faire bifurquer, ainsi que sur les alliances privilégiées pour ce faire. Surtout, c’est l’objet de ce texte, les écologistes se divisent quant aux répertoires d’actions les plus appropriées pour faire entendre leur cause.

La dernière escarmouche, par graffitis et caméras interposés, entre Yannick Jadot et les opposants les plus radicaux au projet de mégabassines dans les Deux-Sèvres, soutenus à demi-mot par Sandrine Rousseau, illustre ce désaccord. L’ancien candidat à la présidentielle, présent à la manifestation, « paye », selon la députée de Paris, « la manière dont il présente l’écologie », le choix d’une campagne raisonnable et pragmatique qui finit loin de l’ambition affichée. En face, on rappelle l’engagement historique de l’ancien cadre de Greenpeace contre l’agro-industrie et la complémentarité entre action institutionnelle et mobilisations de terrain.

Méthodes trop consensuelles

Autre exemple de ces divisions sur la méthode, les réserves exprimées par des personnalités écologistes visibles dans l’espace médiatique comme Hugo Clément ou François Gemenne envers les happenings muséaux de Just Stop Oil (contre un tableau de Van Gogh à Londres) ou Letzte Generation (contre un tableau de Monet à Potsdam). Dans ce cas, c’est au contraire la radicalité symbolique qui est mise en accusation : le goût du buzz de jeunes activistes décrédibiliserait le message aux yeux du grand public.

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Les coups d’éclat médiatiques, mais aussi les blocages, les occupations ou les manifestations ont fait partie de la boîte à outils de l’écologie politique depuis ses origines. On pense aux mobilisations contre le camp militaire au Larzac, aux occupations temporaires de sites nucléaires ou aux fauchages d’OGM. La désobéissance civile, le non-respect de règles légales comme moyen d’action, est vieille comme les mouvements d’émancipation qui ont inspiré les écologistes.

L’histoire de l’écologie politique est marquée par la tension entre responsabilité et radicalité. Quand des activistes canadiens décidèrent de fonder Greenpeace en 1971, c’est bien parce qu’ils considéraient que les méthodes utilisées par les grandes ONG de l’époque étaient trop consensuelles pour être efficaces dans la lutte contre les essais nucléaires. De même, c’est parce qu’ils estimaient que les organisations existantes (dont Greenpeace) agissaient trop mollement que des militants britanniques ont fondé Extinction Rebellion en 2018.

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