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comment LinkedIn est devenu un concentré de publications “bullshit”

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Le réseau professionnel qui hébergeait des CV augmentés en ligne, est devenu un réseau social où se raconter et se mettre en avant est la norme. LinkedIn serait désormais une plateforme comme les autres, une course aux réactions s’inspirant des influenceurs.

“C’est là que j’ai pris conscience que j’adore ce que je fais en fait”. Cette phrase, retrouvée sur une publication LinkedIn d’octobre dernier, pourrait presque à elle seule résumer, caricaturalement, le réseau social. Sur la photo qui accompagne le message, son auteur – visiblement hospitalisé – annonce avoir subi “une opération de la vésicule biliaire”. Pouce levé et manuel de “growth marketing” en évidence, il assure pourtant avoir refusé un arrêt de travail quand son voisin – qui travaille également dans l’informatique, précise-t-il – en réclamait un supplémentaire.

“Aimez votre travail et vous n’aurez pas l’impression de travailler un seul jour de votre vie” clame l’auteur en conclusion, avec ce type de phrases que l’on retrouve à foison sur LinkedIn: : “je viens d’avoir une réflexion sous la douche à 5h du matin”, “la vie est courte”, “voici mon programme de travail de ce dimanche”.

Car la “bienveillance” ou le “management positif” sont les mots clés incontournables de publications dites “inspirantes” sur la plateforme du réseau professionnel. Parfois à l’excès, au point de sombrer dans la caricature et dans les publications “bullshit” d’entrepreneurs ou coachs de vie qui rivalisent d’émojis “fusées” pour appuyer leur propos. Un phénomène qui montre à quel point la mise en scène de soi dans un cadre professionnel reflète les changements de notre rapport au travail et à l’entreprise.

“La réputation en ligne dans le monde professionnel est devenu un élément constitutif d’une construction de carrière”, analyse auprès de Tech&Co Arthur de Grave, auteur du livre Start-up Nation, Overdose Bullshit (Editions Rue de l’Échiquier). Il revient 10 ans en arrière: “au départ, ce sont les entrepreneurs qui ont lancé ce type de posts. Ils passaient pour anticonformistes, sortaient du lot. Ils se vendaient eux même en même temps qu’ils vendaient leur produit”.

Ces jeunes chefs d’entreprise insistent sur la valeur travail. Cette dernière est présentée comme un accomplissement et comme un tout. Arthur de Grave, décrit ces contenus comme le discours de la start-up nation, qui parait pourtant aujourd’hui “abîmé et fatigué”.

C’est justement ce discours qu’entend dénoncer le compte Twitter “Disruptive humans of LinkedIn” qui reprend de manière humoristique et sarcastique ce genre de publications. “On est jamais méchants, on anonymise les gens”, tient à souligner à Tech&Co Bruno Gelsomino qui gère le compte. “En enrobant un message de bienveillance, un entrepreneur va tenir un discours qui fait l’apologie de la super performance au travail, notre rôle est de dénoncer ce type de dérive avec un tweet”, poursuit-il. Bruno Gelsomino n’est pas seul pour gérer le compte puisque c’est toute l’équipe de la newsletter Tech Trash qui assure la veille. Le compte dénonce aussi les copywriters et ghostwriter derrière ces posts.

Brice Schwartz conseille et écrit des posts pour les entreprises sur LinkedIn. Il est donc l’un de ces copywriters. Son travail consiste avant tout à éviter de tomber dans la publication clichée. “Trouver l’équilibre entre le storytelling sans tomber dans le bullshit, c’est tout l’enjeu”, explique-t-il à Tech&Co.

L’exercice de parler de soi pour parler de son entreprise est intéressant, “du moment que l’on ne raconte pas que des choses plates”, complète-t-il. Les posts qui fonctionnent bien sont ceux qui ont une forte valeur ajoutée ou ceux qui célèbrent une bonne nouvelle par exemple. “Dans tous les cas, pour faire réagir il faut mettre de l’émotion”. Il dénonce cependant les publications de photos portraits accompagnées d’un texte qui “utilisent les mêmes codes d’Instagram. Beaucoup parlent de LinkedIn comme l’Instagram du business”.

Bruno Gelsomino va encore plus loin et compare ces publications à celles des influenceurs d’Instagram. “Ils reprennent les mêmes codes et mécaniques. LinkedIn voit cette transformation d’un bon œil car cela leur permet d’attirer de nouveaux utilisateurs”. Il pointe notamment l’arrivée en 2021 du mode Créateur sur la plateforme. Disponible pour tous les inscrits, cette option permet de mettre en avant son contenu et d’augmenter la portée des posts. “LinkedIn s’oriente vers quelque chose davantage centré sur les égos que sur les compétences”.

Et Brice Schwartz de compléter: “l’algorithme LinkedIn met en avant l’aspect humain, les profils personnels plutôt que celui de l’entreprise. Plus on en dit sur soi, plus ça marche”.

La mise en avant de la culture de la performance perpétuelle reflète les évolutions de notre rapport au travail et à l’entreprise. Parmi les éléments soulignés par les interlocuteurs, on retrouve la compensation d’une forme d’insécurité au travail, le mélange de vie professionnelle et personnelle depuis le télétravail, le besoin de transparence et d’identification à travers ce type de posts. “Le passage est devenu obligé pour les auto-entrepreneurs de la mise en avant de soi et de son entreprise à travers ce qu’on appelle le personnal branding,” reconnaît Bruno Gelsomino.

Arthur de Grave voit cette culture de la performance comme “une arme à double tranchant”. Il prend l’exemple de Claire Despagne, fondatrice de D+ for care. En mai dernier, invitée dans le podcast Liberté d’entreprendre, la cheffe d’entreprise a dénoncé le temps de travail des stagiaires.Nous avons des écoles qui nous disent ‘si j’apprends que mon stagiaire fait plus de 35 heures par semaine, je lui ferai arrêter son stage’. Ça va être dur pour votre stagiaire derrière de trouver du boulot et de s’acheter un appartement”. A la suite de quoi, elle a été la cible des internautes sur LinkedIn et Twitter durant plusieurs jours.

Finalement, Brice Schwartz temporise: “je ne sais pas s’il y a plus de plus de contenus dits inspirants sur LinkedIn. Dans tous les cas, il y a aura toujours des personnes pour trouver ces contenus intéressants et donc leur donner de la visibilité”.

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