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« Il faut créer un Erasmus du climat »

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Le climatologue Hervé Le Treut lors d’une conférence internationale sur le thème « Notre avenir commun face au changement climatique », le 7 juillet 2015, au siège de l’Unesco, à Paris.

Climatologue, spécialiste de la simulation numérique du climat, professeur en mécanique et physique de l’environnement, membre de l’Académie des sciences, Hervé Le Treut a fait partie du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Président du comité scientifique régional AcclimaTerra, en Nouvelle-Aquitaine, il parraine le Pacte mondial des jeunes pour le climat (Global Youth Climate Pact, GYCP). Celui-ci organise le 17 novembre à Bordeaux, pour la première fois, grâce aux quatre centres de culture scientifique de Nouvelle-Aquitaine (Cap sciences, Espace Mendès France, Récréasciences et Lacq Odyssée), une COP27 lycéenne, dont Le Monde est partenaire.

Vous faites partie des scientifiques qui alertent sur le dérèglement climatique depuis de nombreuses années. Etes-vous satisfait du niveau de prise de conscience de la société sur cette question ?

La prise de conscience est croissante. A part quelques irréductibles, de moins en moins de citoyens pensent que le problème climatique relève de la fiction. C’est une évolution positive à souligner. Mais le problème est qu’alerter ne suffit pas. L’enjeu est d’accélérer le passage à l’action, et c’est là que le bât blesse, d’autant que l’urgence est grandissante. Jamais les émissions de gaz à effet de serre n’ont été aussi importantes, et les changements climatiques à venir aussi imprévisibles. On ne pourra pas empêcher la planète de gagner une bonne partie de la course. Mais il faut être capable de gérer au mieux ce qui va se passer. Car nous serons là, vivants. Je ne crois pas à une apocalypse nouvelle, même si la planète s’enflamme déjà à de multiples endroits.

Vous donnez des cours dans de prestigieuses grandes écoles ; quel regard portez-vous sur l’enseignement supérieur sur le climat proposé à ce jour à cette élite ?

La transmission actuelle du savoir climatique reste insuffisante à mes yeux, même si elle fait l’objet d’initiatives nouvelles. En matière de politiques publiques, l’enseignement supérieur reste le parent pauvre. Le système est lent et lourd, et on ne change pas facilement les habitudes. Il faut faire plus, car je le constate : même dix fois deux heures de cours sur le climat permettent déjà de transmettre une base d’informations importantes. Cela ne permet pas de renverser le monde, mais c’est un premier socle auquel les jeunes n’ont malheureusement pas tous accès. Il faudrait calquer la réussite d’Erasmus et lancer un Erasmus du climat.

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Comment avez-vous, vous-même, été sensibilisé aux enjeux climatiques ?

J’ai fait des études à Normale-Sup, j’étais un « bon élève » mais je n’avais pas vraiment d’idées sur ce que je voulais faire. Je me suis d’abord intéressé à la physique, à l’infiniment grand et l’infiniment petit. Et puis, un jour, j’ai découvert un laboratoire voisin dédié au climat. Des chercheurs commençaient à travailler sur ce sujet, mais l’idée du réchauffement climatique n’avait pas encore émergé. Petit à petit, grâce aux premiers rapports sur le climat – les ancêtres de ceux du GIEC –, une compréhension des changements climatiques à l’œuvre s’est dessinée. Mais cela a pris du temps : à mes débuts, le directeur du laboratoire est même venu me voir, très gentiment, pour me sensibiliser au fait que je risquais « d’abîmer ma carrière » en m’occupant de ces sujets.

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Régulièrement, des voix appellent à supprimer les COP, qui seraient trop complexes, trop loin du terrain et des citoyens. Qu’en pensez-vous ?

Je suis, de longue date, un ardent partisan des COP. Elles ont été l’une de mes écoles de prédilection. Il faut distinguer la COP officielle, lors de laquelle des représentants des pays débattent et bataillent pour s’accorder, et la COP plus informelle constituée de scientifiques, d’associations, de décideurs dotés d’expertises différentes qui échangent les idées. Il n’existe pas vraiment d’endroits similaires ailleurs.

Comment promouvoir davantage le dialogue entre les scientifiques et la société ? Entrer en rébellion comme certains de vos pairs ? S’engager en politique ?

Chacun est libre de ses choix. Moi, je suis chercheur et je m’inscris avant tout dans un cadre scientifique. Ce qui compte pour moi est de transmettre un savoir qui serve à générer une action réelle.

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Justement, en Nouvelle-Aquitaine, vous présidez le comité scientifique régional AcclimaTerra, qui a dressé un état des lieux du dérèglement climatique sur l’eau, la montagne, la forêt… Agir au niveau régional est la solution ?

Ce n’est pas la solution, mais une solution, car chaque région a ses armes, comme notamment la fine connaissance du terrain, qui permettent de bien cerner les enjeux locaux. AcclimaTerra essaie d’aider les habitants à passer à l’action et cible en priorité ce qui est faisable. Quand, il y a quelques années, Alain Rousset, alors président de la région Nouvelle-Aquitaine, m’a sollicité pour échanger avec des acteurs régionaux sur l’avenir de la région dans les prochaines décennies, j’ai été frappé par le côté naturellement multidisciplinaire de nos échanges et par l’importance du savoir que nous mettions en commun.

Cela a donné lieu à deux rapports qui ont nécessité l’expertise et les recommandations de quelque quatre cents acteurs de la région. Ces recommandations concernent aussi bien les montagnes que les cours d’eau ou encore les zones littorales, les zones urbaines, les zones agricoles. Elles ont été formulées à partir de consultations avec la population. Aujourd’hui, le travail continue et de nouveaux résultats devraient être présentés en Nouvelle-Aquitaine le 9 décembre.

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Vous parrainez le Pacte mondial des jeunes pour le climat, qui organise depuis plusieurs années des échanges entre lycéens et scientifiques. C’est un autre levier d’actions utile…

Le partage entre jeunes et scientifiques est un puissant mode d’action. Un exemple : il y a quelques années, Alfredo Pena-Vega, initiateur du GYCP, a emmené des jeunes Chiliens à la COP25, à Madrid. J’ai été frappé de constater que ces jeunes, qui avaient travaillé de manière très sérieuse, ne s’étaient pas contentés d’écouter mais avaient réfléchi par eux-mêmes à d’autres types d’actions qui leur semblaient plus probantes. Ils avaient, par exemple, proposé de faire un jardin en permaculture accessible aux populations défavorisées du quartier. La créativité des jeunes est impressionnante quand on leur donne l’occasion de la déployer.

Cet article a été réalisé dans le cadre de la COP27 lycéenne en Nouvelle-Aquitaine, en partenariat avec l’Espace Mendès France. La COP27 lycéenne aborde les sujets climatiques à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine et s’appuie sur les travaux d’AcclimaTerra. Cet événement se déroule dans treize territoires de la région. Démarré en mars 2022, il se termine à Bordeaux, à Cap Sciences, le 17 novembre, en parallèle de la COP27 à Charm-El-Cheikh, en Egypte.

Pour suivre le Global Youth Climate Pact – Pacte mondial des jeunes pour le climat : @gycpofficial sur Instagram/Twitter/Facebook/Youtube



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Written by Milo

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