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Comment une bactérie de notre bouche accélère la progression des cancers du côlon


De nouveaux acteurs sortent de l’ombre, sur les champs de bataille de la cancérologie. Cette armée microscopique réserve une surprise de taille : elle n’a pas identité humaine, alors même que le conflit qui oppose les offensives du mal aux défenses de l’organisme se joue dans notre chair. Cette perfide armée, en effet, recrute des bataillons de bactéries qui œuvrent furtivement, tapies dans les tumeurs où elles se sont faufilées.

Une équipe américaine en dévoile les funestes secrets dans deux études, publiées dans les revues Cell Reports le 15 novembre et Nature le lendemain. Les auteurs, du Fred Hutchinson Cancer Center, à Seattle, se sont intéressés à une bactérie naturellement présente dans notre cavité buccale, Fusobacterium nucleatum. « On la trouve dans la plaque dentaire de tout le monde », indique la professeure Laurence Zitvogel, oncologue à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif.

F. nucleatum est une des bactéries les plus abondantes trouvées dans les cancers de la bouche et du côlon. Les auteurs montrent qu’au sein d’une même tumeur, elle se réfugie dans des micro-niches. Là, elle booste les capacités de migration des cellules cancéreuses infectées. Dès lors, celles-ci deviennent plus aptes à semer des métastases – entraînant avec elles le microbe. Autre méfait, F. nucleatum contrecarre l’action des « lymphocytes tueurs », ces soldats de l’immunité anticancer. Pour cela, elle recrute des alliés, traîtres à leur patrie : des macrophages et des neutrophiles humains. En infectant cette autre catégorie de cellules immunitaires, elle les pervertit. Ces renégats bloquent alors la montée au front des lymphocytes tueurs.

Le rôle du microbiote

Les auteurs montrent aussi qu’une chimiothérapie fréquemment utilisée contre les cancers du côlon, le 5-fluorouracil (5-FU), détruit non seulement les cellules cancéreuses, mais aussi F. nucleatum. En revanche, cette chimiothérapie est impuissante à tuer une autre bactérie qui infiltre ces cancers, Escherichia coli. Résultat, celle-ci va protéger les cellules cancéreuses contre le 5-FU. Ces bactéries forment donc une « association de malfaiteurs », selon Laurence Zitvogel, qui agissent en synergie.

« Les microbes intratumoraux ne sont pas des spectateurs innocents lors de la progression de la maladie, souligne un des auteurs, Christopher Johnston. Le microbiote devrait être pris en considération dans la réflexion sur les traitements optimaux du cancer. » L’étude souligne aussi les liens possibles entre la santé bucco-dentaire et le risque de cancer.

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