L’Ozempic et le Trulicity sont à l’origine des médicaments antidiabétiques. Mais sur les réseaux sociaux, certains les promeuvent pour perdre du poids. Ce qui n’est pas sans risque et qui inquiète les malades.
S’injecter des médicaments contre le diabète pour perdre du poids? Depuis plusieurs mois, sur Tiktok notamment, des utilisateurs se filment, de semaine en semaine, en train de se piquer avec de l’Ozempic ou du Trulicity pour finalement afficher des kilos en moins sur la balance et une silhouette amincie. Certains des hashtags dédiés à cette méthode cumulent ainsi près d’un demi-milliard de vues.
L’Ozempic et le Trulicity sont à l’origine deux antidiabétiques injectables qui interviennent dans le contrôle de la glycémie, prescrits dans le traitement des diabètes de type 2 difficiles à équilibrer, souvent en association avec d’autres médicaments. Mais c’est pour l’un de leurs effets indésirables qu’ils sont plébiscités sur les réseaux sociaux: la perte de poids.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) précise pourtant à BFMTV.com que l’Ozempic “n’a pas l’indication dans l’obésité ou le surpoids”.
Mais le phénomène est tel que la demande mondiale a explosé, créant des tensions d’approvisionnement, notamment aux États-Unis. Pire: en Australie, le produit ne sera pas disponible avant avril 2023.
“Certaines pharmacies rencontrent des difficultés”
La France pourrait-elle connaître de pareils situations? Alors que le pays compte 3,5 millions de personnes traitées par médicament pour un diabète, selon Santé publique France, ces malades risquent-ils de se voir privés de leur traitement? C’est l’inquiétude de Jean-François Thébau, vice-président de la Fédération française des diabétiques. “Que se passera-t-il pour les personnes diabétiques si on se retrouve en rupture de stock?” s’alarme-t-il pour BFMTV.com.
“Il y a déjà des tensions sur le marché français”, explique-t-il. “Certaines pharmacies rencontrent des difficultés pour s’approvisionner.”
Ce que confirme Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine. “C’est déjà le cas pour de nombreux médicaments”, observe-t-il pour BFMTV.com. “Il y a une semaine, il y avait des difficultés d’approvisionnement sur l’Ozempic. Trois semaines plus tôt, c’était sur le Trulicity.”
Pour l’instant, ce pharmacien de Plombières-lès-Dijon, en Côte-d’Or, ne s’est pas encore retrouvé en rupture de stock. Mais ses réserves sont limitées. “J’en ai pour quinze jours”, précise Pierre-Olivier Variot. “Ce sont des produits qui se gardent au réfrigérateur. Avec les risques de délestage électrique, je ne peux pas en conserver davantage.”
Quant à prioriser certains clients, impossible pour lui de différencier les patients vraiment diabétiques de ceux qui ne le sont pas. “Quand une personne se présente avec une ordonnance, le médicament n’est pas forcément associé à autre chose qui pourrait confirmer le diabète. Parfois, il y a des prescriptions uniques.”
Après avoir évoqué en septembre “de fortes tensions d’approvisionnement” pour l’Ozempic et le Trulicity “dues à une augmentation importante de la demande mondiale”, l’ANSM a rappelé aux médecins “de ne prescrire ces médicaments qu’aux patients atteints de diabète de type 2”. Mais interrogée par BFMTV.com, elle se veut rassurante.
“À ce stade (…), les ventes d’Ozempic augmentent de façon progressive depuis sa commercialisation (mi-2019), les courbes sont cohérentes avec une mise sur le marché d’un nouveau médicament”, indique ainsi l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui ajoute:
“Il n’existe pas de pic particulier ou hausse brutale ces derniers mois de la consommation en France (…) pouvant suggérer une utilisation (…) pour amaigrissement.”
Un suivi renforcé a tout de même été mis en place. Un premier rapport compilant données de vente, suivis des réseaux sociaux et cas de mésusage avec ou sans effet indésirable devrait être publié au premier trimestre 2023. Car c’est bien là le problème.
Des effets indésirables, ces deux médicaments les cumulent – en plus de la perte de poids. Nausées, vomissements et diarrhées pour le Trulicity, qui affectent plus d’un patient sur dix, précise le dictionnaire médical Vidal. Quant à l’Ozempic, en plus des troubles intestinaux évoqués précédemment, il est aussi question de vertiges, d’augmentation du rythme cardiaque et d’atteinte du pancréas, indique encore le site du Vidal.
“La perte de poids est un effet classique de ces molécules”, explique à BFMTV.com Cédric Moro, directeur de recherche à l’Inserm à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires. De l’ordre de 4 à 6 kilos en un an aux doses prévues pour les personnes diabétiques, selon lui. “Mais dans les détournements auxquels on assiste, les doses sont trois à quatre fois supérieures.”
“Le problème, c’est que quand on augmente les doses, on augmente aussi les effets indésirables, qui sont alors bien plus sérieux que des nausées ou des diarrhées”, prévient-il.
Parmi ceux-ci, Cédric Moro évoque ainsi des problèmes de thyroïde, calculs biliaires, pancréatites aiguës ou encore atteintes rénales graves. “Il peut s’agir d’urgence vitale”, met-il encore en garde. “Les risques pour la santé sont grands.”
“Les risques sont grands”
Ce spécialiste des maladies métaboliques rappelle ainsi qu’il ne faut jamais utiliser un médicament en dehors de son indication ou modifier de son propre chef sa posologie. Un avertissement que formule également Bruno Maleine, président de la section A de l’Ordre national des pharmaciens, représentant les pharmaciens titulaires d’officine.
“Ce sont des médicaments sur prescription qui nécessitent une surveillance médicale, avec notamment des contrôles sanguins”, rappelle-t-il pour BFMTV.com. “Ce ne sont pas des médicaments anodins.”
Il n’en reste pas moins que ces deux antidiabétiques continuent de faire parler sur les réseaux sociaux. Elon Musk, le patron controversé de Twitter et Tesla, a même fait la promotion d’un produit similaire, le Wegovy, fabriqué par le même laboratoire que l’Ozempic, et qui contient la même substance active (sémaglutide).
Mais en France, si ce nouveau produit a reçu une autorisation de mise sur le marché, il n’est pas encore commercialisé et reste réservé, dans un cadre hospitalier, aux personnes souffrant d’obésité avec comorbidité.