Le changement climatique pose un défi existentiel aux êtres humains : comment faire baisser massivement les émissions de gaz à effet de serre et continuer d’habiter une planète qui se réchauffe ? Depuis le mois de mai 2022, Le Monde a lancé le podcast « Chaleur humaine », disponible gratuitement sur toutes les plates-formes de podcast et le site du Monde, pour passer en revue les défis posés par la transition climatique. Voici une liste de dix questions suscitées par la publication de la première saison, avant la reprise du podcast en septembre.
Comment planifier la transition ? Dans le premier épisode de « Chaleur humaine », l’économiste Benoît Leguet revient sur la notion de planification écologique et sur les enjeux qui attendent Emmanuel Macron depuis sa réélection. « Pour sortir des énergies fossiles, il faut un plan, on ne va pas y arriver par hasard ! On doit partir de l’objectif final : qu’est-ce qu’une France neutre en carbone en 2050 ? Comment on se chauffe, comment on se nourrit, comment on se déplace dans une France neutre en carbone ? C’est à partir de là qu’il faut construire une trajectoire », explique le directeur de l’Institut de l’économie pour le climat.
Comment s’adapter au changement climatique ? Dans cet épisode, la géographe Magali Reghezza explique que le réchauffement est déjà là, et que les territoires doivent s’adapter dès maintenant – qu’il s’agisse des agriculteurs ou des stations de ski. « Pour la première fois, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont mis en évidence le fait que ce changement climatique a déjà des effets irréversibles à l’échelle d’une vie humaine, voire au-delà. Si on arrivait à atteindre la neutralité carbone, il faudrait plusieurs siècles pour ramener le climat à son niveau d’avant l’ère industrielle », explique-t-elle.
Pourquoi est-ce si difficile de se priver du gaz russe ? Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le sujet des hydrocarbures est au cœur de la guerre économique entre Moscou et les Européens, souligne Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie de l’Institut français des relations internationales. « Le gaz a un rôle important dans le chauffage, dans l’industrie, dans l’électricité dans de nombreux pays européens. En Italie, en Allemagne, le cœur de l’industrie tourne au gaz, en Slovaquie, par exemple, on n’a pas d’alternative pour le chauffage. Mais il faut surtout comprendre que si une économie européenne va mal, toutes les autres vont aller moins bien », souligne-t-il.
Comment se débarrasser des énergies fossiles ? C’est le point central de la trajectoire dessinée par les experts de l’ONU sur le climat : il faut cesser d’utiliser du charbon, du gaz, du pétrole, insiste l’économiste Céline Guivarch : « La première chose à faire est d’arrêter de faire ce qui va dans la mauvaise direction, ce qui nous enferme dans une mauvaise direction. Il y a un manque d’investissement dans la bonne direction, notamment dans les transports et l’agriculture. On investit trop dans les énergies fossiles, pas assez dans les solutions. »
A quoi ressemble la planification, version Macron et version Mélenchon ? Dans cet épisode, le député européen (Renaissance) Pascal Canfin et la future députée (La France insoumise-Nouvelle Union populaire écologique et sociale) Aurélie Trouvé débattent des différentes formes que peut prendre la planification écologique, souhaitée tant par Emmanuel Macron que par Jean-Luc Mélenchon. Une conversation chahutée sur qui doit faire quels efforts, où trouver l’argent et comment mener la transition.
Faut-il faire payer les riches ? Face au défi climatique, peut-on demander les mêmes efforts à tous ? L’économiste Lucas Chancel, spécialiste des inégalités, revient dans cet épisode sur l’empreinte carbone de la population française selon les revenus : « Tous les Français n’ont pas le même niveau d’émission de carbone. Quel est le niveau de pollution des uns et des autres ? Un Français émet en moyenne 9 tonnes de carbone, mais les 50 % les plus modestes émettent en moyenne 5 tonnes et les 10 % les plus aisés 25 tonnes, donc cinq fois plus. »
Comment ne pas sombrer dans l’anxiété climatique ? 80 % des jeunes se disent inquiets de leur avenir climatique, affirme la pédopsychiatre Laelia Benoit, qui estime qu’une des clés pour ne pas déprimer face à l’urgence climatique est de trouver une forme d’action collective : « Pour sortir de la paralysie sur ce sujet, il faut pouvoir parler, c’est la première étape, engager la conversation sur le changement climatique − beaucoup d’enfants et d’ados ne le font pas alors qu’ils sont très inquiets, parce qu’ils ont peur d’être démoralisants dans un groupe. Il faut aussi concentrer nos efforts sur des choses qui sont à notre portée. »
Comment réussir des négociations internationales ? Depuis l’accord de Paris en 2015, la quasi-totalité des pays du monde se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais comment faire pour les inciter à passer à l’action ? La diplomate Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, raconte dans cet épisode les coulisses de l’accord de Paris : « Les gens arrivent avec des lignes rouges incompatibles, et tout le monde pense qu’on va vers un échec. Mais, à un moment donné, la perspective change. La force des idées ça joue, parfois dans le bon sens, il faut travailler là-dessus. »
Est-ce que les gestes individuels servent à quelque chose ? Moins manger de viande, ne pas prendre l’avion, enfourcher son vélo… les injonctions aux efforts individuels se multiplient, mais pour la sociologue Sophie Dubuisson-Quellier, ces petits gestes sont trompeurs : « La sociologie nous apprend que ce qui relève des comportements individuels est inscrit dans des logiques collectives. Par exemple, on ne choisit pas tous les jours son mode de transport, entre sa voiture, son vélo, ses baskets. Les choses ne se passent pas comme ça : nos comportements sont encastrés dans des choses collectives, qu’il s’agisse de l’aménagement du territoire, de l’organisation familiale, etc. »
Comment lutter contre la sécheresse ? Les épisodes de sécheresse vont devenir plus fréquents et plus longs, prévient l’hydroclimatologue Florence Habets dans cet épisode. Il faut donc se préparer à changer un certain nombre de pratiques, notamment agricoles : « Les pratiques favorables au cycle de l’eau sont celles qui permettent d’avoir un meilleur usage de l’eau dans le sol. L’eau de pluie, si elle reste dans le sol, plutôt que rester en surface, on est gagnants. On sait que les pratiques de conservation du sol, qui réduisent le labour, sont favorables, tout comme l’agriculture biologique, ou ce qu’on appelle l’agroforesterie. »