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[EN VIDÉO] Lancement de Tianhe L’agence spatiale chinoise réalisera l’un des lancements les plus importants de l’année, une longue marche 5 enverra en orbite le premier module de la Station Spatiale Chinoise : le module central TianHe.
Depuis le printemps 2021, deux stations spatiales orbitent autour de notre Planète, la Station Spatiale Internationale (ISS), et la station spatiale chinoise (CSS). Cette dernière marque l’histoire du spatial chinois et par là même une belle page de l’exploration spatiale : elle est seulement la troisième station spatiale modulaire de l’histoire, la première étant Mir.
Médiatiquement, l’évènement a été éclipsé par la rentrée incontrôlée sur Terre des étages de Longue Marche 5B, la fusée ayant servi à placer les deux modules de la station aujourd’hui opérationnels. Le risque que la fusée ne retombe sur des populations était certes extrêmement faible, mais néanmoins non nul. L’irresponsabilité de cet acte aurait presque fait oublier l’objectif du projet : la science !
L’importance de l’exploration spatiale pour la recherche scientifique et pour celle sur la Terre, ne sera jamais assez mise en avant pour comprendre l’environnement, les océans, aider lors des catastrophes naturelles ou encore, grâce aux stations spatiales, multiplier notre connaissance dans presque tous les domaines scientifiques. Prétendre vouloir prioriser la Planète et sa préservation avant d’aller dans l’espace, comme si les deux ne pouvaient être réalisés que l’un après l’autre, est donc parfaitement absurde, sans l’exploration spatiale, nous ne parlerions probablement même pas de la notion d’environnement et le réchauffement climatique nous serait bien inconnu.
Car, bien évidemment, la CSS ne sert pas à faire joli ou à envoyer quelques astronautes en vacances. Tout comme l’ISS, elle possède des modules laboratoires pour réaliser toute une multitude d’expériences ; à terme, elle en possèdera deux : le premier, Wentian, déjà en orbite, et le second Mengtian qui devrait être lancé plus tard dans l’année.
Une coopération scientifique
Si des entraînements d’astronautes ont déjà eu lieu conjointement entre Chinois et Européens, aucun étranger n’est encore monté à bord d’un vaisseau Shenzhou pour voyager jusqu’à la CSS, seuls des Chinois opèrent la station et réalisent les expériences scientifiques. Cependant, c’est toute une coopération internationale qu’ils amènent avec eux.
Pas moins de 16 pays réalisent des expériences à bord de la station
En plus de la Chine, pas moins de 16 pays réalisent des expériences à bord de la station. Cela représente 9 expériences majeures portant sur 5 domaines scientifiques différents : l’astronomie, la physique des fluides, la biologie, l’étude de la Terre et l’ingénierie spatiale. Ces expériences ont été sélectionnées par la Chine de concert avec le bureau des affaires spatiales des Nations Unies (UNOOSA), et seront réalisées conjointement parmi de nombreuses autres comme des expériences sur les cristaux et les matériaux.
L’astronomie
La première expérience à présenter est l’expérience nommée Polar-2, menée par la Suisse, la Pologne, l’Allemagne et la Chine. Comme son nom l’indique, elle fait suite à la première expérience Polar, réalisée sur Tiangong-2, la précédente station spatiale chinoise désorbitée en 2019. L’objectif est de mesurer la polarisation des rayons gamma, les ondes électromagnétiques les plus énergétiques du spectre, pour tenter de mieux comprendre l’origine des mystérieux sursauts gamma, ces bouffées d’énergies colossales qui surgissent dans le cosmos.
Ensuite, l’expérience Sing, pour Spectroscopic Investigation of Nebular Gas, est un spectromètre ultraviolet réalisé par l’Inde et la Russie, deux autres grandes nations de la science spatiale. Il servira à étudier les nébuleuses en proche ultraviolet pour mieux comprendre les conditions physiques de ces régions de notre galaxie où se forment les nouvelles étoiles. C’est la clé pour comprendre le cycle de vie des étoiles, et indirectement, l’évolution des galaxies et de notre Univers.
Cette image semble sortie de l’univers de Star Wars. C’est une région, à 1350 années-lumière dans la direction d’Orion, où des étoiles se forment en gobant du gaz. Au milieu, une étoile en formation en avale tellement qu’elle en rejette via des jets, réchauffant le gaz autour. pic.twitter.com/4Rpkg3LQaR
— Eric Lagadec (@EricLagadec) August 2, 2022
L’étude des fluides
L’Inde conçoit avec la Belgique une seconde expérience qui consistera à étudier le comportement de fluides partiellement miscibles en microgravité. De telles expériences permettent de vastes applications techniques sur Terre, et ont notamment été réalisées pour cela avec des fluides miscibles sur l’ISS par exemple (à l’inverse de l’eau et l’huile qui sont non-miscibles). L’objectif de cette nouvelle expérience est d’explorer des possibilités moins connues pour comprendre les mécanismes chimiques qui régissent le comportement de la matière et particulièrement l’effet de la température. Les résultats ont des applications en médecine, en chimie ou encore en métallurgie.
L’Italie, grande nation spatiale, s’associe avec le Kenya pour développer l’expérience Baridi Sana qui, en Swahili, signifie « très froid ». Cette expérience a pour objectif de tester un nouveau système de refroidissement liquide à deux phases qui proposerait de meilleures performances pour une moindre consommation d’énergie par rapport à des systèmes conventionnels. La principale application est la technologie spatiale, un tel système de refroidissement serait parfait pour les satellites et autres engins extra-atmosphériques, mais comme beaucoup de ces applications tirées de l’exploration spatiale, il pourrait être appliqué à l’avenir dans bon nombre de domaines où la performance du refroidissement est importante, comme l’informatique, les serveurs de données, les véhicules électriques, les systèmes embarqués ou les télécommunications.
Les flammes en apesanteur
L’expérience Fiavaw, pour Flame Instabilities Affected by Vortices and Acoustic Waves, est menée par la Chine et le Japon. Elle consiste à étudier le comportement des flammes en apesanteur de manière similaire à d’autres expériences menées auparavant sur l’ISS.
Outre la curiosité de découvrir des choses inattendues, étudier la combustion en microgravité permet plusieurs choses : d’une part, de mieux évaluer les risques au niveau des engins spatiaux ; d’autre part, de mieux comprendre de manière générale le comportement des flammes sur Terre, pour rendre plus efficients nos moyens de production qui sont encore majoritairement basés sur la combustion.
Mais la chose la plus surprenante est que ces recherches spatiales ont permis et permettront de mettre en évidence le phénomène des flammes froides, une combustion à plus basse température qui pourrait, entre autres choses, être appliquée aux moteurs thermiques pour réduire la pollution de l’air.
L’espace contre le cancer
On retrouve la France sur cette expérience aux côtés de la Norvège, des Pays-Bas et de la Belgique. « Tumors in space » consiste à étudier les effets de l’apesanteur et des radiations spatiales sur l’évolution des cellules cancéreuses. Les cellules cancéreuses comme toute forme de vie, sont adaptées à la gravité, comme toutes nos cellules et organes. La gravité ne joue pas de rôle dans les fonctions biologiques, mais à cause d’une telle adaptation, l’absence de gravité influe considérablement sur les organismes.
L’étude sur la station spatiale chinoise se conçoit en 3D, pour étudier les cellules cancéreuses dans une configuration proche de leur état naturel, ainsi l’expérience approfondira nettement les résultats déjà obtenus auparavant sur d’autres missions spatiales.
Le Pérou et l’Espagne conçoivent également une expérience pour étudier l’effet de la microgravité, mais sur les bactéries responsables de maladies.
De nouveaux acteurs spatiaux
Enfin, deux dernières expériences sont proposées par de petites nations spatiales. La première, par le Mexique, présente une plateforme d’observation infrarouge pour étudier la Terre. La seconde, par l’Arabie saoudite, consiste à développer de nouvelles cellules photovoltaïques au galium-arsenic pour l’utilisation spatiale.
Des années riches en connaissances
Outre les deux laboratoires, viendra s’ajouter un grand télescope, appelé Xuntian, qui permettra aux astronomes du monde entier de mieux comprendre la cosmologie et l’évolution de notre Univers. Ce sera un instrument extrêmement important pour l’astronomie mondiale car il sera aussi grand… qu’Hubble lui-même !
On ne peut donc qu’avoir hâte de suivre les péripéties de cette formidable station spatiale et de découvrir les résultats excitants de toutes ces expériences scientifiques à bord qui devraient se succéder au cours des prochaines années !
Ce qu’il faut retenir
- La station spatiale chinoise est l’autre station spatiale en orbite autour de la Planète.
- De nombreuses expériences scientifiques vont y être réalisée dont neuf internationales avec la coopération de seize pays : la Suisse, la Pologne, l’Allemagne, l’Inde, la Russie, l’Italie, la France, la Belgique, le Kenya, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Pérou, l’Espagne, le Mexique et l’Arabie Saoudite.
- Ces expériences touchent de nombreux domaines, de l’astronomie à la recherche contre le cancer.
L’impressionnante coupole du GranTeCan Avec ses 32 mètres de diamètre, la coupole du GranTeCan en impose ! Une climatisation maintient à l’intérieur une température identique à celle de l’extérieur, pour éviter les turbulences quand la trappe est ouverte. © Jean-Baptiste Feldmann
L’observatoire du Roque de los Muchachos, dont fait partie le GranTeCan Depuis le sommet de l’île de La Palma, aux Canaries, à 2.400 mètres d’altitude, alors qu’on tourne le dos à la caldeira vertigineuse de Taburiente, l’observatoire du Roque de los Muchachos surplombe la mer de nuages. © Jean-Baptiste Feldmann
La salle des commandes du GranTeCan Les ordinateurs de la salle des commandes du GranTeCan gèrent trois programmes d’optimisation : l’optique adaptative : correction des effets de la turbulence ;l’optique active : meilleure configuration pour les trois miroirs (primaire, secondaire et tertiaire) selon l’inclinaison du télescope ;le choix des observations selon la transparence du ciel et la présence ou non de la Lune. © Jean-Baptiste Feldmann
Le GranTeCan, un télescope au-dessus des nuages Le GranTeCan bénéficie d’un des meilleurs ciels de l’hémisphère nord : la couche nuageuse, assez rare sur l’île, se situe en général sous l’observatoire du Roque de los Muchachos (où se trouve le télescope), qui connaît moins de 20 jours de pluie par an. © Jean-Baptiste Feldmann
Les miroirs du GranTeCan peuvent contrer la turbulence atmosphérique Le GranTeCan est un télescope sur lequel chaque miroir hexagonal de 8 centimètres d’épaisseur possède, à l’arrière, un système sophistiqué composé de 36 vérins motorisés qui assurent des micro-corrections imposées par la turbulence atmosphérique. © Jean-Baptiste Feldmann
Les vérins de correction du GrandTeCan Plusieurs fois par seconde, la surface de chaque miroir hexagonal du GranTeCan est légèrement déformée par des vérins, commandés par un ordinateur qui analyse et interprète les phénomènes de turbulence qui dégradent les images. © Jean-Baptiste Feldmann
Les autres télescopes de l’observatoire du Roque de los Muchachos Le Swedish Solar Telescope (SST) – la tour sur la photo – et le Dutch Open Telescope (DOT) – la structure à droite – se situent à l’observatoire du Roque de los Muchachos, aux Canaries, non loin du GranTeCan. Ces deux télescopes solaires, de respectivement 0,45 et un mètre de diamètre, sont parmi les instruments les plus performants au monde pour étudier l’atmosphère de notre étoile, le Soleil. © Jean-Baptiste Feldmann
La cuve de réaluminure du GranTeCan Manuela Abril, ingénieur en charge des optiques du GranTeCan, présente la cuve de 12.000 litres dans laquelle on réalumine sous vide chaque miroir hexagonal. © Jean-Baptiste Feldmann
La salle des miroirs du GranTeCan Pour ne pas interrompre les observations, six miroirs hexagonaux « de secours » permettent de prendre régulièrement la place de ceux qu’on enlève du GranTeCan pour les réaluminer. © Jean-Baptiste Feldmann
Le télescope Magic, près du GranTeCan, pour étudier les sursauts gamma Le télescope Magic (pour Major Atmospheric Gamma-ray Imaging Cherenkov Telescope, en anglais), situé près du GranTeCan, est un télescope Cherenkov destiné à étudier les sursauts gamma, des rayonnements à très haute énergie produits lors de phénomènes cosmiques violents. © Jean-Baptiste Feldmann
Le miroir tertiaire du GranTeCan Voici une photo du miroir tertiaire du GranTeCan. Au centre du miroir primaire, dans sa gaine noire, le miroir tertiaire récupère le faisceau du miroir secondaire et le dirige sur le côté, où sont installés différents instruments d’analyse : spectrographes et analyseurs dans le domaine visible et infrarouge (Osiris, CanariCam, Elmer et Emir). © Jean-Baptiste Feldmann
Le GranTeCan (GTC), fierté de l’Espagne Le GranTeCan a été inauguré en 2007 par le roi d’Espagne après 20 années d’études et de réalisation. Il a été financé à 90 % par l’Espagne et la communauté autonome des Canaries. © Jean-Baptiste Feldmann
Le miroir secondaire du GranTeCan Destiné à recevoir le faisceau lumineux concentré par le miroir primaire et à le renvoyer vers le miroir tertiaire, le miroir secondaire, très haut perché, dépasse un mètre de diamètre. © Jean-Baptiste Feldmann
Le GranTeCan, une structure de 300 tonnes L’ensemble du GranTeCan, monture et télescope, pèse 300 tonnes. Le tout repose sur un bain d’huile qui permet de faire tourner le géant à la main quand les moteurs sont débrayés ! © Jean-Baptiste Feldmann
Le GranTeCan et sa mosaïque de miroirs hexagonaux Sur le GranTeCan, 36 miroirs hexagonaux sont associés pour former l’équivalent d’un miroir sphérique de 10,40 mètres de diamètre. © Jean-Baptiste Feldmann
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