En plein bras de fer judiciaire sur la question de son rachat par Elon Musk , Twitter se serait bien passé de cette affaire… d’espionnage. Mardi, un tribunal de San Francisco a jugé coupable Ahmad Abouammo, un ancien responsable des partenariats médias de la firme, d’avoir espionné des usagers du réseau social pour le compte de l’Arabie saoudite. La motivation des renseignements saoudiens : récolter des informations sur des personnes critiques à l’égard du régime et de la famille royale. Parmi eux figurent des journalistes, des célébrités, des organisations d’intérêt public ou des marques moyen-orientales.
Entre 2014 et 2015, l’ex-salarié de Twitter aurait ainsi transmis à un membre de la famille royale des données d’utilisateurs accessibles uniquement en interne, comme des adresses e-mail, numéros de téléphone, dates de naissance, adresse IP ou des historiques de navigation. Le tribunal californien a conclu que l’homme aurait reçu en échange 300.000 dollars et une montre de luxe d’une valeur de 40.000 dollars. Domicilié à l’époque à Seattle, Ahmad Abouammo a quitté son ancien employeur en 2015.
Jusqu’à 20 ans de prison pour l’ex-salarié de Twitter
« Les preuves ont montré que, pour de l’argent et alors qu’il pensait faire ça à l’abri des regards, le prévenu a vendu son poste [d’employé de Twitter] à un proche de la famille royale saoudienne », a déclaré le procureur fédéral Colin Sampson, au jury du procès.
Pour sa défense, l’ex-salarié a exprimé qu’il faisait son travail en plébiscitant le réseau social au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le prévenu, qui a été appréhendé par le FBI en novembre 2019, risque entre dix et vingt ans de prison pour blanchiment d’argent, fraude et falsification de documents et actes pour le compte d’un gouvernement étranger. Sa peine sera prononcée ultérieurement.
Sollicitée par l’AFP, son avocate, Angela Chuang, a reconnu qu’il y a sept ans, une opération saoudienne aurait pu avoir été montée dans le dessein d’obtenir des informations sur des opposants auprès d’employés de Twitter. Mais selon elle, son client a été jugé en lieu et place d’un certain Ali Alzabarah. Selon l’enquête du tribunal, cet autre ex-employé aurait aussi fourni des informations à Ryad durant son passage chez Twitter en 2015. De nationalité saoudienne, il s’est enfui des Etats-Unis avant d’être interpellé.
« C’est évident que les accusés que cherchait le gouvernement américain ne sont pas là », a déclaré l’avocate d’Ahmad Abouammo devant le jury. Quant aux sommes perçues par son client, elle a tenté de les minorer en les qualifiant « d’argent de poche » pour des Saoudiens habitués à l’opulence. Interrogé, Twitter n’a pas souhaité faire de commentaire sur l’affaire.
L’ombre du prince héritier Mohammed ben Salmane
De nombreuses ONG telles qu’Amnesty international ou Human Rights Watch accusent régulièrement le prince héritier d’Arabie saoudite (et vice-Premier ministre) Mohammed ben Salmane (MBS) d’utiliser ses services de renseignement pour espionner, enlever, voire torturer les dissidents du royaume. Si ces accusations sont à chaque fois démenties par le dirigeant, un rapport des services de renseignement américain aurait prouvé son implication dans l’affaire Khashoggi, du nom du journaliste saoudien assassiné en octobre 2018, à Istanbul en Turquie.
Paria sur la scène internationale à cause cette affaire, le prince « MBS » est revenu dans le jeu diplomatique à l’occasion de ses rencontres, en juillet, avec les présidents américain et français Joe Biden et Emmanuel Macron. Durant sa visite en France, une plainte – émanant de l’ONG Democraty for the Arab World Now (DAWN) et de l’association Trial International – pour complicité de torture et de disparition forcée en lien avec l’assassinat du journaliste a été déposée auprès du tribunal judiciaire de Paris.
Avec AFP