La médiatisation de la pyromanie est intense ces dernières semaines du fait des aveux d’un pompier qui serait à l’origine de plusieurs départs de feu dans l’Hérault depuis le mois de mai et dont l’activité incendiaire pourrait avoir commencé depuis trois ans. Pourtant, dans la littérature en psychiatrie légale, l’existence même du trouble est débattue depuis des décennies.
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Avant de lire cet article, vous avez certainement en tête l’image du pyromane comme d’un individu éprouvant des pulsions incontrôlables d’allumer un feu et un désir charnel vis-à-vis des flammes. Cet individu n’existe pas : c’est un mythe construit de toutes pièces. En réalité, la plupart des incendiaires ne remplissent pas les critères diagnostiques de la pyromanie. Selon Julie Palix, docteur en psychologie, spécialisée en psychologie légale au Centre hospitalier universitaire de Lausanne, l’entité clinique « pyromanie » ne fait même plus partie du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) et n’est plus utilisée dans le domaine de la psychiatrie légale.
L’importance des termes
Avant toute chose, il faut revenir sur les termes. Il y a une différence nette entre allumer un feu, un incendie criminel et la pyromanie. Comme le précise un article de psychiatrie légale parue en 2012, les deux premiers sont des comportements tandis que le troisième est un diagnostic psychiatrique qui répond à des critères extrêmement stricts.
On peut allumer un feu sans être un incendiaire et être un incendiaire sans être pyromane. C’est même plutôt la norme. D’après une étude finlandaise qui fait référence dans le domaine, parmi 90 incendiaires récidivistes, seulement trois répondaient aux critères diagnostiques de la pyromanie. À l’époque, cette étude suggérait de ré-interroger l’absence de consommation de substance comme un critère excluant au diagnostic. Pourtant, depuis longtemps, et explicitement depuis 2003 dans la littérature avec un article intitulé « Pyromania : fact or fiction », paru dans le British Journal of Psychiatry, on se questionne sur l’existence réelle de ce trouble psychiatrique. Aussi, selon une étude parue en 2014, la plupart des incendiaires ne récidivent jamais.
Le mythe
Ce que nous avons décrit en début d’article est un mythe. Julie Palix nous le confirme : « En règle générale, le pyromane (la chercheuse emploie ici le terme pour son sens littéral et non psychiatrique) récidiviste n’est pas impulsif. Son acte s’intègre dans une routine et il est généralement très contrôlé. La plupart du temps, il est intégré socialement et souvent un régional des faits. Aussi, les théories psycho-développementales qui suggèrent un désir orgasmique pour le feu sont anachroniques et sont réfutées depuis longtemps. » Ces informations sont tirées d’une revue de la littérature que Julie Palix a réalisée en 2015 et publiée dans la Revue Médicale Suisse.
L’environnement détermine-t-il le trouble ?
Dans la littérature, un champ nommé criminologie environnementale se développe actuellement et rend compte des actes criminels tels que les incendies volontaires. Dans un article de 2011, des chercheurs australiens listent des facteurs spatiaux-temporels qui motivent le passage à l’acte des incendiaires de forêts. Des éléments que nous avons déjà évoqués, comme les habitudes et la routine, sont cités mais également l’urbanisation, avec notamment les nouvelles zones péri-urbaines, proche de la ville et de la nature. En effet, les incendiaires de forêt sont généralement des personnes vivant en ville. De même, ce type d’urbanisation est vecteur d’opportunités. Pour ce champ de la criminologie, ce n’est pas tant que le profil qui détermine l’acte, mais l’environnement.
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