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Nucléaire : un souhaitable pragmatisme allemand


Censées fermer à la fin de l’année, les trois dernières centrales nucléaires encore en activité en Allemagne pourraient voir leur durée de vie prolongée du fait des tensions énergétiques liées à la guerre en Ukraine. Même si le nucléaire ne représente que 6 % de la production d’électricité outre-Rhin (contre environ 25 % à l’échelle de l’Union européenne et 70 % en France), exploiter ces centrales au-delà du 31 décembre « peut être pertinent », a déclaré le chancelier Olaf Scholz, le 3 août, précisant que le gouvernement trancherait dans les prochaines semaines à partir des résultats d’une expertise en cours.

Cette prolongation serait évidemment préférable à un recours encore plus important au charbon pour remplacer le gaz russe. Politiquement, le geste serait très fort, venant d’une coalition dirigée par un social-démocrate (SPD) et dont le vice-chancelier, Robert Habeck, chargé de l’économie et de l’énergie, est membre des Verts. En 2000, c’est un gouvernement rassemblant ces deux partis qui, sous la houlette de Gerhard Schröder, avait décidé de faire sortir l’Allemagne du nucléaire civil. Une décision que la conservatrice Angela Merkel (CDU) commença par remettre en cause, en 2010, avant de changer d’avis, moins d’un an plus tard, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, au Japon.

« Un faux sentiment de sécurité »

« La politique commence par la contemplation de la réalité. Surtout quand celle-ci ne nous plaît pas », écrivait M. Scholz dans une tribune au Monde (le 22 juillet), avant de reconnaître : « L’état de notre Bundeswehr et des structures de défense civiles mais également notre dépendance trop forte vis-à-vis de l’énergie russe indiquent que nous nous sommes laissé berner par un faux sentiment de sécurité. »

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Le 27 février, trois jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, M. Scholz a proposé la création d’un « fonds spécial » de 100 milliards d’euros pour moderniser son armée. A l’exception des extrêmes, de droite et de gauche, tous les partis allemands ont voté pour, qu’il s’agisse des sociaux-démocrates et des écologistes, malgré leur culture pacifiste, ou des conservateurs, bien que dans l’opposition.

S’agissant des centrales nucléaires, la décision de les prolonger, si elle est adoptée, risque de provoquer de vifs débats, notamment chez les Verts. Mais plusieurs de leurs responsables ont déjà laissé entendre qu’ils ne s’y opposeraient pas par principe. Comme sur les 100 milliards d’euros pour la Bundeswehr, le gouvernement pourrait par ailleurs compter, une fois de plus, sur le soutien de la droite conservatrice.

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Que ce soit sur l’énergie ou sur la défense, l’Allemagne paie cher ses erreurs passées, crûment mises en évidence par la guerre en Ukraine. Le pragmatisme de ses dirigeants ainsi qu’une solide culture du compromis lui ont toutefois permis, depuis le début de la crise, de prendre des décisions douloureuses en évitant les surenchères démagogiques et les affrontements de postures qui, in fine, décrédibilisent l’action publique et font le jeu des populistes.

Les prochains mois seront certes difficiles pour une Allemagne dont l’économie est au bord de la récession et qui pourrait redevenir l’« homme malade de l’Europe », comme au tournant des années 1990-2000. Mais, si un certain modèle allemand est aujourd’hui remis en cause, d’un point de vue économique ou géostratégique, son modèle politique, lui, pourrait à bien des égards rester exemplaire. D’autres démocraties européennes, à commencer par la France, semblent bien moins armées en la matière face aux tempêtes qui s’annoncent.

Le Monde

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Written by Stephanie

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