Il faut grimper tout en haut des collines de l’Epine, en lisière du massif des Baronnies provençales (Hautes-Alpes), pour contempler l’ampleur du déboisement. Ici, les sommets ont été comme tondus. Sur soixante-trois hectares, la forêt de pins et de chênes a laissé place à de vastes étendues, certaines couvertes de panneaux solaires, d’autres encore nues et criblées de trous, là où s’enracinaient les anciens arbres.
Christian Marchal, maraîcher à quelques kilomètres de là, trouve à ce paysage rasé quelque chose d’« émouvant ». « Regardez ces petits chênes qui essaient de repousser, malgré la sécheresse et la canicule. Il en faut de l’acharnement pour anéantir une forêt », observe le militant, qui se bat contre l’installation de parcs photovoltaïques dans des espaces naturels.
Dans les Hautes-Alpes, et plus encore dans les Alpes-de-Haute-Provence voisines, ces projets se multiplient depuis une dizaine d’années. Ces départements ruraux, boisés et peu peuplés, ont en outre le double avantage de l’ensoleillement et de la fraîcheur, idéal pour la productivité des panneaux solaires. Dans la course au développement du photovoltaïque en France, ils constituent donc des cibles de choix pour les opérateurs.
D’après la programmation pluriannuelle de l’énergie, le parc solaire doit passer de 14 gigawatts (GW) actuellement installés à un objectif de 35 GW à 44 GW en 2028, soit près du triple, afin de répondre aux objectifs climatiques nationaux. Un développement accéléré qui, selon les recommandations du ministère de la transition écologique, doit « privilégier les terrains déjà artificialisés » et « proscrire les terrains agricoles ou forestiers » si le projet n’est pas compatible avec leur vocation.
Ces terrains artificialisés, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a tenté de les estimer : elle a recensé un gisement maximum de 364 GW sur les toitures, ainsi qu’un potentiel de 49 GW sur des zones délaissées (friches industrielles et commerciales, anciennes décharges…) et de 4 GW sur les parkings. Des chiffres théoriques cachant de fortes disparités locales… mais qui laissent entrevoir un potentiel important.
« La filière photovoltaïque a tendance à aller plutôt vers les centrales au sol qu’en toitures plus rentables et plus simples à développer massivement. Mais, même au sol, on pourrait limiter fortement l’usage des surfaces forestières naturelles et privilégier les sites anthropisés ou en co-usage : agriphotovoltaïsme, avec une synergie entre production énergétique et agricole, ou photovoltaïque flottant, sur des étendues d’eau artificielles », analyse Pierre Rale, ingénieur à l’Ademe.
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