« Ne recule ni ne dévie. » Toute sa vie, Robert Bristaut, 88 ans, s’est évertué à appliquer cette devise empruntée à l’escadron de chasse 3/3 « Ardennes » – immortalisé par Les aventures de Tanguy et Laverdure – et fixée à une lanterne sur le pignon de sa maison.
Dans la nuit du 10 au 11 août, Robert Bristaut a pourtant dû se résoudre à reculer. Sous la menace des flammes, il a été évacué à l’instar des 5 000 habitants de Belin-Béliet, lors de la reprise violente du gigantesque feu de Landiras qui a ravagé 7 500 hectares de pins en quelques heures. La commune de Gironde a payé le plus lourd tribut parmi les villes touchées par les incendies cet été : pas de mort, certes, mais neuf maisons – et huit dépendances – détruites.
« Tchic à Tchic », la bâtisse landaise de Robert Bristaut, a été épargnée (« par miracle »). Pas celle de son petit-fils ; distante d’à peine cinquante mètres, elle se trouve sur un bout de parcelle qu’il lui avait cédée. La maison n’est que cendres et gravats comme si elle avait été bombardée. « Tout a brûlé, tout a brûlé », se lamente l’octogénaire qui en a perdu le sommeil. « C’est un désastre, acquiesce son épouse, Pierrette. Dimanche, ils pendaient la crémaillère et mardi la maison brûlait. »
Pierrette est née il y a 87 ans à Belin-Béliet. Elle avait déjà vécu un incendie. C’était en 1945. Elle s’en souvient encore. A l’époque, elle n’avait pas été évacuée. « J’avais 9 ans, il n’y avait pas de pompiers mais ce n’était pas si grave. Jamais je n’aurais imaginé revivre une telle catastrophe. » Béret sur la tête pour se protéger du soleil de plomb, Robert ne cache pas son inquiétude : « Moi, ma vie est derrière moi, mais l’avenir, il n’est pas beau pour nos petits-enfants. Les inondations, les tempêtes, les incendies… Ça fait des années qu’on prend ça à la rigolade. Il est temps de se réveiller. »
Un paysage de guerre
Chaque matin, lorsqu’elle se réveille, de l’autre côté de la route, la famille Texier ouvre ses volets sur un paysage de guerre : les rangées de pins carbonisés à perte de vue, les carcasses de tracteurs et d’une voiture calcinées et cette imposante bâtisse totalement éventrée avec ses poutres métalliques fondues comme des ficelles de réglisse et ses éclats de tuiles au sol.
« On va s’habituer à ce décor de ruine », pronostique Vincent Texier qui pensait que le pavillon familial avait subi le même sort lorsqu’il a découvert effaré les images de la maison du voisin sur BFM-TV. Le feu s’est arrêté à la clôture. Torse nu, chapeau de paille et lunettes de soleil, Vincent Texier s’active avec un cousin venu avec une petite pelle mécanique pour préparer le terrain à la pose d’un nouveau grillage. Sa compagne, Laura, essuie les rebords de fenêtre recouverts de cendres. Le couple a beau avoir lavé tout le linge depuis qu’il a regagné son logement, « l’odeur de brûlé imprègne toute la maison ».
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