Depuis plusieurs mois, la France traverse un épisode de sécheresse historique que les vagues de chaleur estivales ont sensiblement aggravé. La quasi-totalité des départements sont concernés par ce stress hydrique, et plus d’une centaine de communes sont actuellement privées d’eau potable.
Ce type de crise, qui était encore vécue il y a une vingtaine d’années comme un phénomène exceptionnel, devient de plus en plus fréquent sous l’effet du réchauffement climatique. Cette dégradation de l’accès à l’eau dans notre pays doit amener à une prise de conscience collective sur la nécessité de changer les comportements en matière d’utilisation et de préservation des ressources.
Si les mesures d’urgence consistant à rationner ponctuellement l’accès à l’eau peuvent résoudre certaines situations à court terme, elles ne sont pas à la hauteur pour répondre aux enjeux qui se posent dès aujourd’hui et vont devenir de plus en plus cruciaux dans les prochaines années. Le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, a pointé il y a quelques jours le sujet des déperditions lors de l’acheminement de l’eau vers les utilisateurs. Un litre sur cinq n’atteint pas sa destination. Eviter les gaspillages relève du bon sens, mais au-delà, c’est toute notre approche du cycle de l’eau qu’il faut revoir de fond en comble.
Quand l’eau devient une ressource de plus en plus précieuse, la première des priorités devrait consister à protéger les réserves existantes. Or, du fait d’une agriculture intensive, surconsommatrice de nitrates et de pesticides, un tiers des points de captage, souillés, ont été rendus inutilisables. Ce gâchis monumental n’était déjà pas admissible à l’époque où l’eau était abondante. Avec sa raréfaction, cette pollution devient encore plus aberrante.
Objectifs trop timides
Pour peser véritablement sur la gestion de l’eau en France, il convient de s’interroger sur les pratiques de l’agriculture, qui représente près de la moitié de la consommation en moyenne annuelle, et même les quatre cinquièmes en été. Le Varenne de l’eau et de l’agriculture face au changement climatique, une concertation lancée par le gouvernement qui s’est achevée en février, a pris des engagements de réduction des prélèvements agricoles sur les ressources hydriques. Mais les objectifs restent trop timides car, en toile de fond, il n’y a pas de remise en cause réelle d’un modèle de production agricole qui considère encore l’eau comme inépuisable.
Des solutions existent pourtant. Il s’agit de développer des systèmes d’irrigation plus efficaces, comme le goutte-à-goutte, de mettre en place des capteurs pour mesurer les taux d’humidité dans les sols, de choisir des cultures moins gourmandes en eau et surtout de faire davantage appel à l’agroforesterie.
La réutilisation des eaux usées traitées représente également un potentiel pour certains usages comme l’irrigation agricole, l’arrosage des espaces verts ou encore le nettoyage de la voirie. Quand l’Italie réemploie environ 10 % de ses eaux usées et l’Espagne 15 %, le taux en France n’est que de 0,1 %. Même si cette solution ne constitue pas la panacée, elle constituerait une mesure d’appoint utile.
La quantité d’eau disponible en surface et dans les nappes phréatiques est amenée inéluctablement à diminuer dans les années à venir. Le changement climatique ne va pas s’inverser à court terme. La solution passe donc par un changement de nos comportements, à commencer par une agriculture plus responsable et plus consciente que, sans eau c’est son existence même qui sera remise en cause.