Anne Vivian-Smith passe son temps à vérifier son compteur électrique, « de façon obsessive ». Elle a toujours fait attention à sa consommation, mais depuis quelques mois, elle mesure le moindre de ses gestes : elle se fait moins de boissons chaudes, évite d’allumer la télévision, éteint au maximum les lumières. Vivant à Nottingham, dans le nord de l’Angleterre, sévèrement handicapée par une maladie dégénérative, cette ancienne magistrate ne peut pas travailler et dépend des aides sociales, qui n’ont pas augmenté depuis trois ans dans son cas. Son mari, qui est employé dans une université, touche environ 1 000 livres sterling (1 200 euros) par mois et n’a obtenu qu’une augmentation de 1,5 % cette année, bien inférieure à l’inflation. Leur facture de gaz et d’électricité, en revanche, a fait un bond en avril, passant de 82 livres à 145 livres par mois. « Au début de l’année, on n’était pas riches, mais ça allait. Maintenant, notre vie a rétréci. »
Ces 63 livres mensuelles supplémentaires font une énorme différence dans leur vie quotidienne. Un peu avant l’été, le beau-frère de Mme Vivian-Smith, qui vivait en Cornouaille, est décédé. Elle n’a pas pu se payer le billet de train pour se rendre aux obsèques. « Cela coûtait 128 livres, exactement l’argent supplémentaire qu’on avait versé en énergie sur deux mois. »
Le durcissement de ses conditions de vie n’est qu’un début. Vendredi 26 août, l’Office of Gas and Electricity Markets (Ofgem), le régulateur britannique de l’énergie, a annoncé que les factures allaient bondir de 80 % en octobre. Plusieurs fois par an, il détermine le plafond maximum pour un foyer moyen : en octobre 2021, celui-ci était de 1 277 livres par an ; en avril, il est passé à 1 971 livres ; en octobre, il sera de… 3 549 livres. Soit un quasi-triplement en un an.
Pas de bouclier tarifaire
La suite sera encore pire. Les prochaines augmentations, prévues pour janvier et avril 2023, devraient atteindre 5 386 livres et 6 616 livres respectivement, d’après les calculs de Cornwall Insight, une société de consultants en énergie. Soit un quintuplement des factures en dix-huit mois.
Il n’y a pas de bouclier tarifaire au Royaume-Uni. En mai, le gouvernement a bien annoncé 14 milliards de livres d’aide, mais cela ne couvrira que 47 % de la hausse des factures, souligne l’Institute for Fiscal Studies, un groupe de réflexion.
Dans ces circonstances, un vent de fronde se lève chez les Britanniques. En deux mois, des petits tracts jaune et noir ont commencé à apparaître un peu partout à travers le pays. On en voit collés sur des arrêts de bus à Londres, distribués dans les rues de Sheffield et de Manchester, ou décorant l’entrée d’une poissonnerie à Bristol. En grosses lettres blanches, le texte est simple et direct : « Don’t pay energy bills » (« Ne payez pas vos factures d’énergie »).
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