« Maman, on enseigne ça à l’école ? », s’enquiert un jeune garçon, cartable sur le dos, en découvrant la vidéo diffusée sur l’écran installé à l’entrée de l’école primaire Jules-Ferry, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). « Non, ils sont en train de dépolluer quelque chose », répond la mère venue accompagner son fils, jeudi 1er septembre, pour le premier jour de classe. Le « quelque chose », c’est l’ancienne usine chimique Société nouvelle d’eugénisation des métaux (SNEM), située à une cinquantaine de mètres de l’établissement scolaire. La vidéo montre des pelleteuses, des montagnes de gravats, des panaches de fumée noire, de la suie sur des voitures… En ce jour de rentrée, un collectif de riverains et de parents d’élèves diffuse le film et distribue des tracts devant l’école pour alerter sur « les conditions catastrophiques » de la démolition de l’usine, achevée la veille.
L’usine a employé des substances classées cancérogènes, tels le trichloroéthylène et le chrome VI
Des années que la SNEM attise les tensions dans ce quartier pavillonnaire de Montreuil. Spécialisée dans le traitement des métaux pour l’aéronautique, l’« usine toxique », comme l’ont surnommée ses voisins, déclarait encore en 2015 produire plus de 37 tonnes de « déchets dangereux » par an. En outre, elle a employé des substances classées cancérogènes, tels le trichloroéthylène et le chrome VI, comme Le Monde l’avait révélé en 2017. L’usine est devenue indésirable cette année-là quand un cas de leucémie rare a été déclaré chez un élève de CM2, s’ajoutant à deux autres cas – dont un mortel – dans la même rue en quinze ans.
Après une forte mobilisation, les riverains avaient obtenu la fermeture du site en 2018. Depuis, la ville de Montreuil a préempté le terrain avec l’objectif d’y construire, d’ici à 2026 trente-six logements sociaux et en accession sociale à la propriété « dans un quartier qui s’est beaucoup boboïsé », selon Florent Guéguen, le président de l’Office public de l’habitat montreuillois (OPHM).
Le précédent de la Wipelec, en 2018
Le chantier a démarré cet été avec la démolition de l’usine. Il inquiète les familles. Elles craignent de vivre un scénario à la Wipelec, nom de cette société également spécialisée dans le traitement de surfaces pour l’industrie aéronautique et dont la dépollution du site, après sa fermeture, avait généré, en 2018, de fortes émanations de solvants chlorés détectées dans une vingtaine de logements de la commune voisine de Romainville.
Anne-Sylvie Delacroix a trois enfants scolarisés à Jules-Ferry : « On ne les a pas mis la dernière semaine de cours quand les travaux ont débuté, mais là, on n’allait pas leur faire rater en plus la rentrée. Maintenant, on culpabilise. La mairie assure que l’école a été nettoyée, mais on a du mal à les croire car elle affirmait aussi qu’il n’y avait pas eu de retombées de poussières alors qu’on l’a bien constaté par nous-mêmes. »
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