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Nos politiciens ignorent-ils la crise climatique?



La planète brûle, suffoque, s’assèche, s’inonde, se réchauffe. La crise climatique n’est plus un enjeu des générations futures: on la vit là, maintenant. Pourtant, les politiciens ne semblent pas saisir l’urgence de la situation, dénoncent des observateurs et des experts, qui exigent plus de courage de la part des partis politiques face à la crise climatique. 

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«C’est un enjeu existentiel. On sait que le réchauffement climatique est en train d’influencer nos vies en ce moment même. C’est important de le mettre de l’avant et qu’il devienne l’élément central de la campagne électorale», plaide Alexandre Gayevic Sayegh, professeur spécialisé en politiques climatiques à l’Université Laval.  

Le récent rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est clair: il faut agir, et le temps file. Les dirigeants du monde entier doivent s’activer pour mettre en place des solutions afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. 

Pourquoi la crise climatique et ses solutions ne sont-elles donc pas LE sujet de la campagne électorale, alors que 73% des Québécois s’en disent inquiets, selon un sondage Léger? C’est que les politiciens ne croient pas que d’en parler se traduise en votes, explique Thierry Giasson, directeur du Département de science politique de l’Université Laval. 


Illustration: Sébastien Thibault

Une foule de facteurs entrent en jeu dans l’élaboration des plateformes électorales, un processus qui commence de 12 à 18 mois avant le déclenchement de l’élection, raconte-t-il. Entre autres, les partis déterminent les priorités des électeurs dont on tente d’attirer le vote. Pour eux, la santé ou encore le coût de la vie peuvent s’avérer des enjeux qui passent devant la lutte aux changements climatiques. Et c’est ce que les engagements reflètent.  

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Pourtant, la crise climatique affecte toutes les sphères de la vie, y compris la santé, le coût de la vie, le transport et l’alimentation, rappelle Patricia Clermont, coordonnatrice à l’Association québécoise des médecins pour l’environnement. 

«Quand on pense à la pollution atmosphérique, c’est lié à la mobilité, l’urbanisation… L’argent qui va dans la réparation des routes qui s’usent de manière accélérée parce qu’il y a trop de véhicules qui y circulent n’ira pas dans le système de santé pour soigner les populations qui subissent les effets de cette pollution», prend-elle pour exemple. 

Mais c’est aussi que «les électeurs pour qui l’environnement prime dans les priorités ne vont pas nécessairement voter en grand nombre», ajoute Thierry Giasson. Si les trois quarts des jeunes entre 18 et 34 ans se préoccupent des changements climatiques, seuls 53% d’entre eux se rendent aux urnes, comparativement à plus de 69% pour les 35 ans et plus. Et ça, les partis le savent. 

Les experts consultés croient tout de même que la crise climatique ne passera pas pour autant sous silence durant la campagne puisque les partis d’opposition voudront talonner le gouvernement sur son bilan en la matière.  

Engagements à court terme 

Sylvain Gaudreault, ex-porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement, note également la propension des politiciens à présenter des engagements qui répondent à des préoccupations à court terme et qui peuvent se réaliser au cours des quatre années d’un mandat, alors que les bénéfices des mesures de lutte aux changements climatiques se font plutôt ressentir à long terme. 

«En campagne électorale, c’est moins la vision qui s’exprime que des préoccupations à court terme», précise l’auteur de l’essai Pragmatique: quand le climat dicte l’action politique

Sylvain Gaudreault, ex-porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement

Simon Clark/Agence QMI

Sylvain Gaudreault, ex-porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement

Les candidats préfèrent aussi faire des annonces positives, puisque pour plusieurs, «action climatique» rime avec «mauvaise nouvelle», indique Sylvain Gaudreault.  

«Ça peut vouloir dire d’imposer des taxes plus élevées sur les gros véhicules énergivores, réduire l’étalement urbain, investir davantage pour limiter les dommages le long des côtes. Ce n’est pas perçu comme étant des bonnes nouvelles. Et ce, bien que les changements climatiques nous rattrapent tous les jours, que ce soit par des tempêtes, des canicules ou des inondations», souligne le député de Jonquière qui ne se représente pas. 

À cela, Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales au Réseau action climat Canada, répond qu’il est essentiel de présenter les cobénéfices de l’action climatique, plutôt que de la proposer «comme des sacrifices que doivent faire les Québécois et qui, finalement, vont réduire leur qualité de vie, alors que c’est tout à fait l’inverse». 

«En ayant des villes où il y a des meilleurs systèmes de transports en commun, où l’aménagement urbain est fait en fonction des gens et non des voitures, c’est non seulement plus agréable pour se déplacer, mais c’est aussi bon pour la santé parce qu’on fait face à moins de pollution de l’air», illustre-t-elle. 

Il faut se faire entendre 

Si l’environnement n’a occupé que 16 minutes d’un des débats des chefs il y a quatre ans, chez Vire au vert, on espère que la prise de conscience des Québécois face à la crise climatique fera renverser la vapeur chez les politiciens. 

«Durant les élections de 2018, l’environnement avait été évacué par certains partis. On n’en avait pas beaucoup parlé, dans le débat des chefs c’était peut présent», relate Marie-Ève Leclerc de Vire au vert, un organisme associé à Équiterre. 

Or, les mouvements populaires fonctionnent pour ramener la crise climatique à l’avant plan. On l’a vu avec l’effet Greta Thunberg, qui a rassemblé près d’un demi-million de personnes à Montréal dans le cadre de la marche pour le climat en 2019 et qui s’est fait ressentir dans les élections qui ont suivi un mois plus tard, constate-t-elle. 

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L’organisme espère donc reproduire ce résultat en organisant des débats portant uniquement sur les enjeux climatiques et de biodiversité, une initiative appuyée par les groupes environnementaux, des politicologues à qui nous avons parlé et même 56% des électeurs, selon un sondage. 

«On sait que les électeurs regardent beaucoup les débats des chefs. C’est un moment qui peut influencer une campagne», fait valoir le politologue Alexandre Gajevic Sayegh.  

Jusqu’à maintenant, trois partis ont accepté de participer: Québec solidaire, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois. Vire au vert attend toujours la réponse de la Coalition avenir Québec, du Parti conservateur du Québec et des diffuseurs qui pourraient relayer le débat.  

Un tel débat pourrait être décisif pour l’avenir climatique du Québec, affirme Marie-Ève Leclerc.  

«Il faut mettre en place des mesures drastiques et ambitieuses d’ici 2030 pour lutter contre les changements climatiques et arriver à la carboneutralité d’ici 2050. De maintenant à 2030, ça donne deux élections. Les quatre prochaines années seront donc déterminantes sur les bonnes solutions à appliquer pour préparer la province à atteindre ses cibles», conclut-elle. 

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Written by Stephanie

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