L’annonce tardive de « vigilance orange » en Corse, où de violents orages ont causé la mort de cinq personnes le 18 août, avait valu de vives critiques à Météo-France, et l’ouverture d’une enquête, à la demande du ministère de l’intérieur. Ce n’est pas la première fois que ce système de vigilance est remis en cause.
Comment fonctionne le système de vigilance météorologique ?
Le système de vigilance de Météo-France a vu le jour en octobre 2001, après les conséquences catastrophiques des deux tempêtes Lothar et Martin de la fin décembre 1999. Destiné à prévenir populations et pouvoirs publics de l’imminence d’événements météorologiques inquiétants ou dangereux, il place les départements français sur une échelle de quatre niveaux – vert, jaune, orange et rouge – pour les vingt-quatre heures à venir. Actualisé deux fois par jour au minimum (à 6 heures et 16 heures), il peut l’être plus fréquemment si la situation l’exige.
Cinq phénomènes météorologiques sont surveillés depuis 2001 : pluie-inondation (autrefois appelé « fortes précipitations »), vent violent, orages, avalanches et neige-verglas. D’autres types d’événements ont été rajoutés au fil des ans : canicule et grand froid (depuis 2004), crues (depuis 2007) et vagues-submersion (depuis 2011).
Chaque niveau de vigilance est accompagné de conseils afin de protéger les populations les plus à risque, notamment les professionnels travaillant à l’extérieur (BTP, agriculteurs, pêcheurs, etc.).
Entre 2002 et 2021, la vigilance orange a été déclenchée 1 071 fois et la vigilance rouge 49 fois, soit 1 120 événements météorologiques sur 2 024 jours. Le nombre de vigilances orange ou rouges a tendance à augmenter régulièrement. Les cinq dernières années (2017-2021) concentrent 53 % des vigilances rouges et 32 % des vigilances orange.
Comment le niveau de vigilance est-il élaboré ?
Les prévisions météorologiques sont établies par Arome, le principal modèle informatique de Météo-France, mis en service en 2008. Se nourrissant des plus récentes observations satellitaires et des paramètres de l’atmosphère, il simule l’évolution probable des phénomènes météorologiques sur tout le territoire français, de manière fine, avec une résolution géographique correspondant à un carré de 1,3 kilomètre de côté. Grâce aux deux supercalculateurs installés au Centre national de prévision (CNP) de Toulouse, Arome fait tourner quatre fois par jour un ensemble de dix-sept scénarios assortis pour chacun d’un degré de confiance pour simuler les cinquante et une prochaines heures.
« Les prévisionnistes analysent ces résultats sur la base du temps qu’il fait, ainsi que de leur connaissance des phénomènes météorologiques et de la capacité du modèle Arome à les représenter », explique Météo-France. Le chef prévisionniste du CNP retient le scénario de référence, c’est-à-dire celui qui paraît le plus probable, et en discute ensuite lors de plusieurs visioconférences quotidiennes avec les sept directeurs et directrices des centres de météorologie interrégionaux (CMIR) pour décider collégialement des niveaux de vigilance adaptés.
Les centres de météorologie interrégionaux jouent un rôle important pour évaluer la sensibilité des territoires aux phénomènes météo. Par exemple, quelques centimètres de neige suffisent pour désorganiser les transports de régions situées sur la façade Atlantique, alors qu’il en faudra beaucoup plus pour produire les mêmes effets en montagne, ou dans le Nord-Est.
Trop ou trop peu, combien d’alertes mal calibrées ?
Ce n’est pas la première fois que le système de vigilance fait l’objet de critiques. En décembre 2010, le premier ministre François Fillon avait critiqué Météo-France, lui reprochant de n’avoir pas anticipé l’intensité de l’épisode neigeux en Île-de-France.
Pourtant, les prévisionnistes préfèrent monter le niveau de vigilance plutôt que de passer à côté d’un épisode dangereux, comme le montrent les bilans statistiques tenus par Météo-France. Après chaque vigilance orange ou rouge, les météorologues de l’organisme estiment si le phénomène dangereux s’est produit avec l’intensité attendue. Si ce n’est pas le cas, on estime qu’il s’agit d’une « fausse alarme ». Inversement, lorsqu’un phénomène dangereux est observé alors qu’il n’avait pas été anticipé, on parle d’une « non-détection ».
Sur les soixante-six épisodes de vigilance de l’année 2021, le taux de fausse alarme a été de 14 % et le taux de non-détection de 1,7 %. De très bonnes performances, en ligne avec le contrat d’objectifs fixé par l’Etat pour la période 2017-2021 (taux de fausse alarme maximum de 16 % et de non-détection maximum de 2 %). L’année précédente avait été moins bonne, avec 6,7 % de phénomènes non détectés (mais seulement 10 % de fausses alarmes).
Alerter plus fréquemment peut réduire les événements dangereux non détectés, mais fait mécaniquement croître les fausses alarmes, nuisant ainsi à la crédibilité de Météo-France. La ligne de crête est étroite.
Le système est amené à s’améliorer. « C’est précisément la prise en compte des retours de terrain qui a permis au dispositif de démontrer rapidement son utilité générale », fait valoir Météo-France. Un comité de pilotage composé de représentants de Météo-France et de plusieurs ministères (intérieur, transition écologique, santé) fait des propositions chaque année après avoir étudié les performances du système. « Pour progresser dans la communication de l’incertitude sur l’occurrence d’un phénomène, le comité de pilotage a souhaité que Météo-France ajoute une rubrique intitulée “prévisibilité-incertitude” dans les futurs bulletins de suivi de la vigilance », explique l’organisme public.