C’est dans un joyeux brouhaha que s’ouvre le lundi de la rentrée : revigorés, les collègues s’échangent des bribes de leurs vacances (pour ceux qui ont pu en bénéficier). La matinée sert à reprendre ses marques. 15 heures : le soufflé retombe, les interactions entre collègues se raréfient. Le silence est entrecoupé de soupirs, marqué du regret de ne pas avoir pu poser une semaine de plus, voire de l’angoisse d’entamer un tunnel grisâtre jusqu’à Noël.
Un chiffre hante alors Myriam, qui vient d’être nommée chargée de gestion de projets transverses (entre plusieurs services) : seulement 6 % des employés français seraient véritablement « engagés » dans leur travail, selon le rapport « State of the Global Workplace 2022 » du cabinet Gallup. Pour avancer, cette chère Myriam répète pourtant à l’envi qu’elle mise sur l’intelligence collective.
Véritable mantra des manageurs qui veulent tourner le dos à la hiérarchie traditionnelle (ou se donner l’air de le faire), l’intelligence collective désigne les processus par lesquels une équipe de personnes qui coopère résout plus aisément les problèmes qu’une somme de personnes isolées.
Cela semble être un principe de bon sens, et pourtant, il est formulé par les conférenciers inspirants et autres « experts en relations humaines » comme une trouvaille à peu près aussi inouïe que l’invention de l’électricité. Eh oui, « seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin ». « Si l’homme est un loup pour l’homme, les loups savent surmonter leur nature solitaire lorsqu’ils chassent en meute ! », s’enthousiasme d’ailleurs Myriam lors de la réunion de rentrée.
Changement d’état d’esprit
Surprise : malheureusement, il n’est pas si simple d’accorder tous les violons d’un orchestre (encore une métaphore bien appréciée, celui qui dirige doit être le chef d’orchestre), et les moyens de le faire méritent d’être étudiés en détail. Apparu en psychologie et biologie, le concept d’intelligence collective est adopté en sciences de gestion dans les années 1990, et joint la notion de collectif de travail et celle d’intelligence, qu’on entend par la capacité à prendre en main et à résoudre un problème.
L’intelligence collective passe donc par un changement d’état d’esprit, fondé sur une meilleure qualité des échanges entre pairs. Cécile Dejoux, professeure de management au Conservatoire national des arts et métiers, l’assimilait dans une interview à la coopération : « Collaborer, c’est prendre des personnes qui sont dans un groupe, et faire en sorte que chacun fasse une tâche ; coopérer, c’est être face à une situation complexe et cocréer ensemble. »
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