Québec aurait tout avantage à miser encore plus sur l’énergie éolienne et l’efficacité énergétique avant de se lancer dans la construction de nouveaux barrages hydroélectriques comme le demande la CAQ, estiment des spécialistes.
• À lire aussi: François Legault revient à la charge avec des projets de barrages
• À lire aussi: Électrification: Legault au sommet de sa forme
François Legault a ramené l’idée hier de relancer de nouveaux barrages hydroélectriques afin de pallier le manque d’électricité prévu d’ici 2030, sans préciser quelles rivières pourraient être harnachées.
Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, le Québec devra largement augmenter sa capacité de production électrique, soutient la CAQ. Hydro-Québec estime qu’elle aura besoin de 100 térawattheures (TWh) de plus, soit une hausse de 50 % de sa production actuelle.
S’il est réélu, François Legault entend lui demander de lancer les études nécessaires à la construction de nouveaux barrages et d’identifier des sites potentiels.
Il commanderait aussi le développement de 3000 MW d’électricité éolienne et un effort d’efficacité de 8 TWh.
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, a qualifié l’annonce de François Legault de « réchauffé » et de « vieille approche ».
« C’est comme si M. Legault avait la science infuse et qu’il savait que les éoliennes, c’était bon pour le fun, mais que les barrages, c’était ça la vraie solution. Ce n’est pas vrai du tout », a-t-il pesté.
Hydro-Québec doit analyser l’ensemble des options possibles avant de trancher, insiste M. Pineau. Le Québec, rappelle-t-il, bénéficie déjà de barrages et de réservoirs hydroélectriques « extraordinaires », qui s’intègrent facilement à l’éolien.
Le directeur général de la Fondation Rivières peine d’ailleurs à comprendre pourquoi la CAQ ne mise pas davantage sur cette énergie généralement plus verte et moins coûteuse.
« C’est Back to the future. C’est comme si on revenait sur quelque chose qu’on avait déjà réglé […] Et là, on vient dire : “On a besoin de barrages.” Ça sort d’où ? » questionne André Bélanger.
Pas de projet… pour le moment
Hydro-Québec confirme qu’il n’existe aucun nouveau projet de centrale hydroélectrique pour le moment, mais n’exclut pas qu’il y en ait dans le futur.
La société d’État dit poursuivre son évaluation des sites qui présentent le meilleur potentiel de développement, sans toutefois confirmer lesquels.
Par le passé, la rivière du Petit Mécatina, sur la Basse-Côte-Nord, avait déjà été évoquée pour sa capacité hydroélectrique. Le Complexe Grande-Baleine, projeté au nord de la Baie-James, a été abandonné en 1994 après l’opposition farouche des Cris.
François Legault a d’ailleurs précisé que d’éventuels projets devraient être menés en consultant les communautés inuites et autochtones.
Performance énergétique
La CAQ devrait aussi être plus audacieuse sur la question de l’efficacité énergétique, selon des experts.
Le chauffage étant notre principale source de consommation d’électricité, Québec devrait mettre en place des mesures entre autres pour rénover les habitations désuètes « qui consomment de l’énergie pour l’envoyer dehors », insiste Jean-François Blain, analyste en matière d’énergie.
« J’aimerais ça qu’on demande à M. Legault quelles rivières il veut harnacher pour faire ses nouveaux barrages. »
– Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire
« François Legault joue dans un film en noir et blanc, mais la réalité est en couleur. Aujourd’hui, à l’heure où on se parle, la priorité devrait être mise sur la question de l’économie d’énergie, sur la question du solaire et de l’hydrogène vert. »
– Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec
« Il faut ouvrir la porte aux barrages électriques […] Mais de promettre tous azimuts des barrages électriques sans commencer par la première étape, qui est d’assurer l’efficacité énergétique, il me semble qu’on brûle une étape, ici. »
– Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti Québécois
« Est-ce qu’il y a un potentiel d’augmentation des tarifs d’Hydro pour les Québécois ? Quelles sont les rivières qu’il a l’intention de harnacher ? Est-ce que ces rivières se trouvent sur des territoires autochtones ? »
– Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec
– Avec Marc-André Gagnon, Patrick Bellerose, Annabelle Blais, Gabriel Côté et Nicolas Lachance