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Hydroxychloroquine, manquements, autoritarisme… Ce qui est reproché à Didier Raoult



Dans un nouveau rapport extrêmement critique, le professeur, retraité depuis l’été 2021, est pointé du doigt pour sa gestion de l’IHU de Marseille.

Un dossier carabiné et de possibles suites judiciaires. Dans un rapport accablant publié lundi, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et son homologue pour l’enseignement supérieur et la recherche (IGESR) relèvent toute une série de dysfonctionnements à l’IHU de Marseille au temps où il était dirigé d’une main de fer par Didier Raoult.

Ce rapport “met en lumière des dysfonctionnements graves” au sein de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection (IHU-MI), créé en 2011 et dirigé par le Pr Didier Raoult jusqu’à fin août. “Plusieurs éléments” sont “susceptibles de constituer des délits ou des manquements graves à la réglementation en matière de santé ou de recherche”, écrivent les ministres Sylvie Retailleau et François Braun dans un communiqué commun. Ils précisent avoir saisi le parquet de Marseille.

Ce rapport, diligenté par l’exécutif, couvre un champ plus large qu’un précédent, déjà cinglant, publié il y a quelques mois par l’Agence du médicament (ANSM) qui avait déjà saisi la justice.

Interrogé ce mardi matin sur l’antenne de CNews, ce même Didier Raoult s’est dit “serein” et assure “avoir fait ce qu’il pensait devoir faire.” Il a également assuré être “harcelé” par “les gens qui nous gouvernent.”

L’hydroxychloroquine au coeur des débats

Dans un premier temps, sont pointées “certaines pratiques médicales et scientifiques (…) ne respectant pas la réglementation en vigueur et pouvant générer un risque sanitaire pour les patients.”

Les inspecteurs relèvent que des patients soignés à l’IHU pour le Covid-19 ou la tuberculose se voyaient administrer des “molécules en dehors de leur autorisation de mise sur le marché”.

Ces prescriptions comprenaient par exemple un traitement à base d’hydroxychloroquine, interdit depuis mai 2020. Malgré l’inefficacité de ce médicament contre le Covid, Didier Raoult s’en est fait le promoteur depuis le début de la pandémie et a acquis une notoriété mondiale. Il avait déjà reçu un blâme de l’Ordre des médecins pour avoir proposé ce traitement.

Le rapport confirme aussi que des médecins de l’IHU ont été mis sous pression par leur direction pour prescrire ce traitement, ou de l’ivermectine, autre médicament aux bénéfices anti-Covid jamais avérés.

“Course à la publication”

Pour les recherches cliniques, le rapport dénonce “des manquements graves (…) jusqu’à une période très récente (fin 2021-début 2022)”: plusieurs études ont ainsi été conduites sans respecter les dispositions du code de la santé publique pour les recherches impliquant la personne humaine.

“Ces faits sont de nature à relever d’une qualification pénale”, insiste le document.

“Quand on fait de la recherche il faut suivre des protocoles. Il y a eu un grand nombre de recherches qui ont été faites à l’IHU qui n’ont tout simplement pas respecté cela. Et puis il y a un volet sur les soins qui ont été administrés à l’IHU et qui ont pu entraîner une perte de chance chez les patients”, martèle, à notre antenne, Victor Garcia, journaliste santé à L’Express.

Toujours sur le plan scientifique, le rapport dénonce aussi de mauvaises pratiques: les équipes de l’IHU étaient dans une “stratégie de course à la publication”, mais dans des revues de qualité médiocre.

Ces recherches étaient souvent menées de manière biaisée, là encore sous pression de la direction. De jeunes chercheurs en venaient à “édulcorer volontairement les résultats et les données ou supprimer des choses qui ne marchent pas, pour ne pas subir de pression”, selon le rapport rédigé à l’issue de près de 300 entretiens de collaborateurs.

Management autoritaire

Le rapport conjoint de l’Igas et de l’IGESR évoque également un fonctionnement très autoritaire avec un Didier Raoult “omniprésent”, laissant “peu de place pour la contradiction” et “une logique de soumission”, source de harcèlement et de mal-être au travail.

“De l’avis de plusieurs des personnes rencontrées, la localisation sur un même site a parachevé la constitution d’un modèle où le dévouement, la sujétion, parfois la peur d’être convoqué sur place et sans délai, la propension quasi-systématique à vérifier ce qui est fait, par qui et quand, installent une logique de soumission que certains ont consentie et qui, pour d’autres, est contrainte”, apprend-on ainsi.

Une situation étayée par plusieurs témoignages, pourtant tempérée auprès de BFMTV par Karim Djebali, secrétaire du syndicat Sud Santé APHM.

“Le docteur Raoult était quelqu’un de très exigeant. Des collègues me disaient que de temps en temps il haussait le ton, mais ce qui est sûr c’est que je n’ai jamais eu de retours en ce qui concerne le personnel comme quoi le docteur Raoult était violent ou agressif”, affirme ce dernier.

Situation financière dégradée

Puis, est également évoquée la situation financière de la fondation qui “se dégrade progressivement.” Selon les auteurs du rapport, “les recettes d’exploitation sont en faible diminution depuis 2017 passant de 7,9 M€ à 7,3 M€” tandis que de son côté, “le total des dépenses d’exploitation connaît une progression, passant de 7,2 M€ en 2017 à 8,8 M€ en prévisionnel 2022”, soit une augmentation de 22%.

“Une des priorités d’action du nouveau directeur sera de travailler un nouveau modèle économique réaliste”, insiste le document.

A ce sujet, les ministres concernés “convoqueront prochainement les dirigeants des établissements fondateurs et le directeur de l’IHU-MI”, qui est désormais le Pr Pierre-Édouard Fournier, pour mettre en oeuvre “dans les meilleurs délais un plan d’action volontariste tenant compte de l’intégralité des recommandations”.

Ce dernier, spécialiste des maladies infectieuses issu de l’institution, a travaillé sous l’égide du Pr Raoult. Sa nomination avait suscité des critiques, en interne comme en externe, comme ne marquant pas une rupture suffisante.

Quelles suites?

Dans un avenir proche, le procureur de Marseille, saisi par les ministres, va devoir décider des potentielles suites judiciaires à la lecture des conclusions de ce rapport.

“Il va se saisir du dossier, le cas échéant demander à la police de faire des auditions, d’entendre des témoins. Le rôle du procureur de la République c’est de décider d’une orientation, est-ce qu’il y aura des poursuites ou pas”, explique auprès de BFMTV Florence Rouas, avocate pénaliste.

L’objectif, insiste le gouvernement, est que l’IHU “redevienne un lieu d’excellence scientifique et médicale”. “Le respect intégral du plan d’actions et de la réglementation en vigueur fera l’objet de vérifications régulières de la part des deux ministères et conditionnera la poursuite de l’activité de l’IHU-MI et de son financement par l’État”, préviennent les ministres.

Ce qui est aussi en jeu, “c’est le modèle des IHU, qui risquait d’être entaché alors qu’un appel d’offre est en cours pour la création de six nouveaux IHU” en France, a-t-on précisé au cabinet du ministre de la Santé.

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Written by Barbara

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