Publié le 11 sept. 2022 à 10:31
En préparation depuis un an, la loi européenne sur la liberté des médias, qui crée une certaine agitation à Bruxelles, va être dévoilée la semaine prochaine. Concocté par Thierry Breton, le commissaire au Marché intérieur, et Véra Jourova, la commissaire en charges des valeurs et de la transparence, le texte vise à protéger le pluralisme des médias en encadrant les concentrations dans ce secteur, et à garantir leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs quels qu’ils soient, industriels ou politiques.
Les sujets en la matière ne manquent pas en Europe où la situation des médias s’est fortement dégradée ces dernières années, en particulier en Hongrie ou en Pologne. Mais pas seulement, en Slovénie par exemple, l’an dernier, l’ex-Premier ministre Janez Jansa a privé de fonds l’agence de presse nationale, STA, critiquant sa ligne éditoriale.
Jusqu’ici, le droit européen n’offrait aucune garantie aux médias, rendant impuissante la Commission, alors que les règles nationales diffèrent grandement d’un pays à l’autre. L’UE n’a par exemple rien pu faire lors de la constitution du conglomérat médiatique pro-Viktor Orban en 2018, ni contre sa main mise sur l’ensemble des médias publics.
Pouvoirs inédits
L’exécutif bruxellois a donc décidé de s’armer à plusieurs niveaux avec, désormais, des pouvoirs inédits pour garantir l’absence d’ingérence politique dans les décisions éditoriales, l’interdiction d’utiliser des logiciels espions contre les journalistes ; mais aussi pour s’assurer d’un financement « adéquat et stable » des médias publics, la nomination « transparente ouverte et non discriminatoire » de leur directeur ou encore la transparence sur la publicité publique – dans certains pays des médias pro gouvernementaux en profitent plus que d’autres…-, ainsi que sur les mesures d’audience dont dépendent les recettes publicitaires des médias.
D’autres mesures, uniquement volontaires celles-ci, prévoient que l’actionnariat des médias soit rendu public et visent à préserver l’indépendance éditoriale en livrant un guide de bonnes pratiques dont les médias vont être priés de se saisir.
Des avis sur les concentrations
Un nouveau conseil européen des services de médias sera créé pour faire des propositions améliorant la réglementation des médias, émettre des avis sur les concentrations qui s’accélèrent dans le secteur ou encore dénoncer les mesures nationales susceptibles d’entraver la liberté des médias. Il sera aussi chargé de garantir que des médias non européens, présentant un risque sur la sécurité publique, ne contournent pas les règles de l’UE.
Légiférer dans un domaine aussi sensible que celui des médias, où toute initiative réglementaire est régulièrement interprétée comme une ingérence, n’est pas simple pour l’UE. Si le texte a reçu le soutien de Reporters sans frontière, il doit affronter l’opposition des associations européennes des médias magazine et des éditeurs de journaux qui estiment qu’il bafoue « la liberté d’investir et de diriger une entreprise ».
S’il est adopté par les Etats membres et le Parlement européen, la Commission va pouvoir, demain, lancer des procédures d’infractions devant la justice européenne en cas de non respect. Comme c’est un règlement, le texte sera directement applicable dans tous les pays de l’UE, sans transposition. A priori, la Commission est confiante sur sa capacité à avoir suffisamment de pays pour le soutenir.