Alors que Twitter interdit les publicités politiques, des médias du gouvernement chinois diffusent ses messages. Entre l’affaire qui oppose Musk à la plateforme et les intérêt politiques, la Chine est l’une des principales manne financière du réseau social.
L’accès à Twitter est interdit aux 1,4 milliard de citoyens chinois et pourtant le pays est l’une des plus grosses sources de revenus pour la plateforme.
Comment expliquer cela? Selon Reuters, malgré l’interdiction des publicités politiques et celles des médias d’État sur le réseau social, les gouvernements des différentes provinces d’Etat et les organes de propagande du pouvoir central achètent massivement des publicités Twitter, depuis plusieurs années, pour atteindre une audience mondiale.
Résultat, depuis 2014, Twitter a vu le chiffre d’affaires publicitaire de son marché chinois être multiplié par 800, soit la croissance la plus rapide au niveau mondial.
Des publicités de médias d’Etat très actives
Reuters a eu accès aux appels d’offres gouvernementaux accessibles au public, aux documents budgétaires et à des tweets publiés entre 2020 et 2022. Ces documents confirment que les autorités locales et les bureaux de propagande du Parti communiste ont bien afflué sur Twitter pour acheter des publicités.
Concrètement, l’agence de presse a retrouvé des dizaines d’annonces pour les gouvernements locaux chinois, ainsi que pour les médias d’État eux-mêmes. Plusieurs comptes actifs comme celui d’une opération d’État rémunérée par la métropole de Chongqing, ainsi que les comptes vérifiés gérés par le Quotidien du peuple, organe officiel du Parti communiste, ont continué à faire de la publicité sur Twitter jusqu’au mois dernier.
L’examen de plus de 300 comptes représentant des gouvernements locaux a révélé qu’au moment de la publication de cette histoire, moins d’une douzaine étaient étiquetés par Twitter comme des médias affiliés à l’État. Les documents d’appel d’offres montrent que la grande majorité de ces comptes sont sous-traités à des médias d’État.
D’autant que la Chine a profité de sa position dominante. Au fur et à mesure que l’entreprise s’est développée, les comptes des autorités locales chinoises ont augmenté leurs exigences à l’égard de l’entreprise, demandant des vérifications avec le macaron bleu.
Twitter déroge à ses propres règles
En mars de cette année, Twitter a interdit les publicités politiques et celles des médias d’État même pour les comptes de médias d’État uniquement dédiés au divertissement, au sport et au contenu de voyage.
Pourtant, ces publicités, toujours présentes en ligne, s’adressent à un public international et présentent les attractions locales, ainsi que les réalisations culturelles et économiques. Elles étaient autorisées grâce à une dérogation de Twitter. Deux personnes ayant connaissance de l’affaire ont déclaré que l’équipe commerciale de Twitter en Chine a même activement collaboré avec les gouvernements locaux dans le cadre de sa stratégie mondiale visant à concurrencer ses rivaux technologiques comme Google et Facebook.
Quatre sources ont déclaré à Reuters que les opérations en Chine sont devenues une source d’affrontements internes, entre ceux qui souhaitent maximiser les opportunités de vente, et d’autres préoccupées par faire des affaires avec des entités affiliées à l’État à un moment de tension croissante entre Pékin et Washington.
Imbroglio avec l’affaire Musk
Cette révélation intervient alors que la société est engagée dans une bataille juridique avec le directeur général de Tesla, Elon Musk, qui tente de revenir sur son offre de 44 milliards de dollars pour le rachat de Twitter.
L’ancien responsable de la sécurité de Twitter, Peiter Zatko, a été entendu ce mardi par la commission judiciaire du Sénat américain. Il a déclaré que des employés de Twitter craignaient que le gouvernement chinois soit en mesure de siphonner les données des clients du réseau social. Le lanceur d’alerte a également souligné que certains responsables de Twitter voulaient développer les activités de la plateforme en Chine dans le but de maximiser les revenus tirés des annonceurs chinois, tandis que d’autres y étaient plus réticents en raison notamment des tensions croissantes entre Pékin et Washington. Il a aussi révélé que “le FBI avait informé Twitter qu’un agent chinois avait infiltré la société”, a dit le sénateur Grassley, sans fournir plus de précisions.
Avant que la relation entre Elon Musk et Twitter ne tourne au vinaigre, la prise de contrôle par Musk était vu comme un moyen de pression utile pour la Chine. Et ce moyen s’appelle Tesla car l’entreprise a généré 4,65 milliards de dollars en Chine au 1er trimestre 2022. La Chine est désormais le deuxième marché le plus important de Tesla, représentant 24,8 % des revenus de l’entreprise. Si Elon Musk avait pris les rennes de Twitter, la Chine aurait pu s’appuyer sur sa dépendance à son marché et imposer ses propres conditions.
Et le chercheur Antoine Bondaz de confirmer: “le régime chinois va adorer le rachat de Twitter par Musk… Il a désormais un réel moyen de pression sur le réseau social”.
Twitter a refusé de commenter les discussions internes et ses résultats commerciaux en Chine. Un porte-parole a déclaré que la société n’avait jamais caché le fait qu’elle faisait des affaires avec des entités commerciales chinoises.