Une récente revue Cochrane fait le point et conclut qu’il n’existe pas encore de preuves assez robustes concernant certains traitements pour traiter l’anosmie post-Covid afin de les considérer comme efficaces. Néanmoins, un espoir existe du côté de l’entraînement olfactif avec une étude en cours au Québec.
L’odoratodorat est un sens primordial. Il permet d’apprécier des odeurs agréables et, en même temps, de nous éloigner des odeurs nauséabondes, ce qui peut s’avérer crucial pour notre santé : par exemple, si un aliment que nous nous apprêtons à consommer est périmé et colonisé par des bactériesbactéries. Avec la pandémiepandémie de Covid-19 toujours en cours, de nombreuses personnes (les pourcentages sont assez différents selon le variant qui cause l’infection) ont souffert d’une anosmie, c’est-à-dire d’une perte d’odorat. La plupart du temps, elle n’est que transitoire mais, dans certains cas, elle peut durer dans le temps et affecter durablement la qualité de vie. Malheureusement, selon une revue Cochrane, on ne dispose pas encore de traitements efficaces contre cette séquelleséquelle de l’infection à SARS-CoV-2SARS-CoV-2.
Deux études avec un faible puissance statistique
La revue fait état de deux études publiées dans la littérature regroupant une trentaine de patients en tout, ce qui est relativement faible, à moins de postuler que les tailles d’effets des médicaments à l’essai vont être phénoménales. La première a testé des corticostéroïdescorticostéroïdes en comprimé et une irrigationirrigation nasale tandis que la seconde a évalué la combinaison de deux compléments alimentaires : le palmitoylethanolamide, un acide gras non essentiel, et la lutéoline, un composé appartenant à la famille des flavonoïdesflavonoïdes. Les deux petites études étaient randomiséesétudes étaient randomisées et contrôlées.
Mais, étant donné le faible nombre de patients inclus et les approches différentes en matièrematière de traitement et de critère d’efficacité (les critères sont expressément les mêmes, seule la duréedurée de rémissionrémission change), il est extrêmement difficile d’apporter une conclusion dans un sens ou dans l’autre. Les auteurs assurent que d’autres études sont en cours et c’est bien ce que l’on observe sur la base de données clinicaltrial.gov avec plus d’une centaine d’études en cours sur la question.
Un espoir du côté de l’entraînement olfactif
Une étude en cours particulièrement intéressante est réalisée au Québec à l’Université des Trois rivières. Elle réunit trois groupes de 35 participants, chacun souffrant d’anosmie post-Covid depuis au moins trois mois. Le neuroscientifique Johannes Frasnelli est professeur d’anatomieanatomie et chercheur au centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et auteur du livre grand public Humer, Flairer, Sentir : les pouvoirs insoupçonnés de l’odorat.
Il est l’auteur principal de cette étude et nous explique pourquoi lui et son équipe ont privilégié cette piste pour le traitement de l’anosmie post-Covid : « Les troubles de l’odorat ne sont pas apparus avec la Covid-19. Les études épidémiologiques estiment à 20 % la prévalenceprévalence globale de ces troubles qui peuvent être causées par un traumatisme crânientraumatisme crânien, une maladie neurodégénérativemaladie neurodégénérative, une sinusite chronique ou encore une infection virale des voies respiratoires tel que le SARS-CoV-2 et bien d’autres. Pour ces troubles pré-existant à la pandémie, on sait que l’entraînement olfactif est l’intervention la mieux établie cliniquement pour les troubles de l’odorat à la suite d’une infection virale. Nous vérifions simplement si c’est également le cas avec l’anosmie provoquée par la Covid-19. »
Pour mieux comprendre en quoi consiste ce traitement olfactif, Johannes Frasnelli détaille le protocoleprotocole expérimental de l’étude : « Le groupe 1 reçoit des fioles contenant des odeurs établies, c’est-à-dire des odeurs standards utilisées dans de nombreuses expériences. Le groupe 2 reçoit des fioles contenant des odeurs alimentaires. Le groupe 3 fait office de groupe contrôle en recevant des fioles contenant des substances qui ne dégagent aucune odeur. On évalue leur odorat avec des tests standards puis ils rentrent chez eux et doivent sentir les fioles quotidiennement, le matin et le soir. Ils reviennent au laboratoire après 3 mois et nous repassons les tests. Nous faisons l’hypothèse que les groupes 1 et 2 verront leurs capacités olfactives s’améliorer de façon significative en comparaison avec le groupe 3 qui s’améliorera probablement aussi du fait de l’évolution naturelle spontanée du trouble ».
Le groupe 2 trouve son utilité pour des études ultérieures que l’équipe de Johannes Frasnelli souhaite réaliser : « Un problème courant dans ce type d’étude est celui de l’observance : est-ce que les patients vont bien respecter scrupuleusement les consignes indiquées ? Pour éviter ce biais, nous essayons de développer des méthodes plus ergonomiques. Prendre une fiole ne fait pas partie des habitudes de vie des gens tandis que nous mangeons tous plusieurs fois par jour. Si nous parvenons à rendre l’évaluation avec des odeurs alimentaires fiables, ce sera un pas en avant vers une amélioration méthodologique. »
Le spectre des odeurs
La difficulté réside dans le fait de trouver des odeurs de la vie quotidienne qui nous exposent au spectrespectre des odeurs. Un spectre qui reste difficile à évaluer étant donné qu’il est moins bien défini empiriquement et causalement que le spectre de la vision par exemple : « Le domaine du visible est bien connu d’un point de vue empirique et on sait que ce sont les longueurs d’ondeslongueurs d’ondes et la fréquence qui causent nos limites. Pour le spectre de l’odeur, les choses se compliquent. Il s’agit d’un spectre qui comporte de multiples dimensions. Pour l’instant, nous travaillons avec des odeurs standardisées qui se basent sur des études réalisées chez l’animal et qui sont censées couvrir les différents aspects de ce spectre tels que la rose, l’eucalyptuseucalyptus, le citron et le clou de giroflegirofle », explique Johannes Frasnelli.
Une étude pilote (avec moins de patients et un objectif exploratoire) antérieure à celle conduite actuellement par Johannes Frasnelli et son équipe a apporté des résultats encourageants qui devront être confirmés par l’étude en cours et reproduite par d’autres équipes dans le monde.
Pour les patients, il faut pour l’instant faire au mieux et gérer les symptômes des formes longues de la Covid et l’anxiété qui en découle : « La covid-19 n’a pas causé que des anosmies mais également des parosmies. Au lieu de perdre l’odorat, les patients ont une perception différente des odeurs. Par exemple, certains patients décrivent l’odeur de la vanille qui s’est transformée en odeur de caoutchouccaoutchouc brûlé. Cela peut être extrêmement difficile à vivre et les patients ont besoin d’être accompagnés par des professionnels de la santé mentale le temps que nous trouvions des traitements efficaces pour les soulager », conclut Johannes Frasnelli.