À quelques jours de la collision entre la sonde DartDart de la Nasa avec l’astéroïdeastéroïde binaire composé de Didymos (780 mètres) et de sa lunelune Dimorphos (160 mètres), Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera), nous explique les derniers instants de Dart dont l’objectif est « d’aller percuter Dimorphos à 6 km/s, afin de modifier de façon infime sa trajectoire autour de Didymos ».
L’impact est prévu dans la nuit du 26 au 27 septembre à environ 01 h 14, heure française. Il faut souligner que le choix de Dimorphos s’est fait sur des considérations scientifiques mais aussi « parce qu’il ne présente aucun risque pour la Terre, quelles que soient les conséquences de l’impact ». Dit autrement, Dart ne pourra pas « malencontreusement diriger Dimorphos sur une trajectoire de collision avec la Terre » !
La semaine dernière, Dart a déployé le cubesatcubesat italien LiciaCube, qui « fournira des images des premiers instants après l’impact ». Il sera positionné à proximité de Dimorphos de façon à observer la collision en sécurité. Si avant et pendant l’impact, il observera en permanence le même côté de l’astéroïde, après l’impact, LiciaCube s’éloignera et dépassera Dimorphos afin d’avoir un autre point de vue, ce qui permettra d’avoir une idée beaucoup plus précise de sa forme.
La caméra Draco à bord de Dart retransmettra de nombreuses images avant la collision. Elle devrait acquérir sa dernière image « trois secondes avant l’impact, quand la sonde se trouvera à seulement 18 kilomètres de sa cible ». Rappelez-vous, la collision se fera à la vitessevitesse de 6 km/s ! L’équipe s’attend à des images avec une « résolution d’une dizaine de centimètres par pixelpixel, ce qui est suffisant pour discerner des objets de seulement 30 centimètres ». Par contre, le champ de vision sera très réduit. Pour limiter la taille des images, ces dernières seront en noir et blanc, au contraire des images LiciaCube qui seront en couleur.
Une intelligence artificielle pour cibler Dimorphos
Ce n’est seulement qu’une heure avant l’impact que Dimorphos sera correctement vu et dont la forme se révélera. À partir de cet instant, le logiciellogiciel de navigation – doté d’une intelligence artificielleintelligence artificielle et mis en route quatre heures avant l’impact – prendra le relais des contrôleurs au sol. Il maintiendra la sonde sur « une trajectoire de collision » à l’aide de son IA qui repose sur le machine learning (apprentissage automatique). Concrètement, la trajectoire de la sonde sera adaptée « au fur et à mesure que les images reçues détailleront de mieux en mieux la forme de l’astéroïde qui, rappelons-le, est très petit (160 mètres) ». Pour guider la sonde, cette IA prendra des repères sur l’astéroïde dans des laps de temps très courts et à très grande vitesse, ce qui lui « permettra de contrôler la position de la sonde par rapport à l’astéroïde en permanence ». Ces opérations d’apprentissage automatique seront d’une très grande complexité car « nous n’avons aucune idée de la forme de Dimorphos qui peut être allongée ou sphérique ».
De cet astéroïde, on connaît seulement sa taille. Cela complexifie toutes les manœuvres car la sonde va « devoir se représenter la forme de l’endroit où elle va entrer en collision ».
Présentation de la mission Hera, par Patrick Michel. © ESA
D’après des études, financées par l’Union européenne, « on suppose que la collision devrait former un cratère d’une dizaine de mètres de diamètre, voire déformer la structure de Dimorphos ». Comme nous sommes dans un environnement de très « faible gravitégravité, tout ce processus va se faire très lentement », nous n’aurons pas d’informations sur la taille et la profondeur du cratère. Du moins dans l’immédiat.
Sur Terre, quelques jours après l’impact, une campagne mondiale d’observation de Dimorphos débutera. Elle aura « pour but de mesurer la différence de période orbitalepériode orbitale de Dimorphos autour de Didymos avant et après l’impact », le système binairesystème binaire ne sera qu’à 11 millions de kilomètres de la Terre au moment de l’impact. Dans l’espace, les télescopestélescopes Hubble et James-Webb seront également utilisés pour l’observer. Avant l’impact, la période de rotationpériode de rotation de l’astéroïde est de près de 12 heures. « On s’attend que la collision perturbe cette rotation d’au minimum 73 secondes mais, selon la quantité d’éjectas émis, ça peut être beaucoup plus. » Une perturbation de quelques dizaines de seconde peut apparaître dérisoire mais, en raison des distances en jeu, s’il est effectué suffisamment à l’avance, le changement d’orbiteorbite de quelques millimètres peut « faire la différence entre une planète percutée ou seulement survolée à bonne distance par un astéroïde ». Cela dit, « comme d’habitude avec les petits corps, je m’attends à être surpris. Leur réponse à une sollicitation externe est contre-intuitive ».
“Comme d’habitude avec les petits corps, je m’attends à être surpris. Leur réponse à une sollicitation externe est contre-intuitive”
Cela dit, perturber la trajectoire de l’astéroïde « ne sera pas suffisant pour en tirer des conclusions pour nos modèles ». Pour comprendre les caractéristiques de l’impact que sont la taille, la profondeur et la quantité de matièrematière éjectée, il faut connaître les « propriétés structurelles de l’astéroïde qui pourrait être en agrégats ou compact et solidesolide », mais aussi « la nature du terrain percuté qui peut être sablonneux, rocailleux ou parsemé de cailloux et encore sa structure ».
Un satellite européen pour documenter précisément l’impact
Et ça, c’est le rôle du satellite Hera de l’Agence spatiale européenne qui sera lancé en octobre 2024 par Ariane 6Ariane 6 et rejoindra Didymos fin décembre 2026, quatre ans après l’impact de Dart. Cette arrivée tardive est « sans conséquence sur les mesures que l’on souhaite réaliser ». En effet, les propriétés que Hera doit mesurer « n’auront pas le temps de se modifier durant quatre années ». La taille du cratère formé « qui nous fournira des informations cruciales sur les propriétés mécaniques et la composition de sous-surface de l’astéroïde », ainsi que la « modification de l’orbite de Dimorphos autour du corps principal » seront bien celles consécutives à l’impact de Dart.
Tout l’intérêt de la mission Hera est de « mesurer le résultat de l’impact, c’est-à-dire la quantité de mouvements réellement transférée à Dimorphos lors de l’impact et l’endommagement subi sur la surface ». L’ensemble de ses données permettra de « vérifier la pertinence de la technique de l’impacteurimpacteur cinétique, sa maturité, et de valider les simulations numériquessimulations numériques d’impact à l’échelle d’un astéroïde ». C’est aussi la « première fois que nous aurons des informations sur la structure interne d’un astéroïde ».
Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 13/09/2022
Tous les voyants sont au vert pour la sonde Dart qui fonce en ce moment sur l’astéroïde Didymos et sa lune Dimorphos. Cette mission inédite vise à démontrer qu’il est possible de dévier un astéroïde de sa trajectoire par un impact à sa surface. Explications.
Lancée en novembre 2021, la sonde Dart de la Nasa se prépare à percuter l’astéroïde binairebinaire composé de Didymos et de sa lune Dimorphos, dans la nuit du 26 au 27 septembre 2021. L’objectif de Dart est d’aller percuter Dimorphos à 6 km/s, afin de modifier de façon infime sa trajectoire autour de Didymos, et ce à des fins de défense planétaire. Nous aurons l’occasion d’en parler plus en détail d’ici quelques jours avec Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera).
En attendant, la Nasa vient de rendre publique une « image composite » de la lumière de l’astéroïde binaire Didymos, alors situé à quelque 20 millions de kilomètres de la sonde. Cette image a été acquise par la caméra Draco le 27 juillet dernier. Cette première série de 243 images n’a aucun intérêt scientifique. Elle est simplement utilisée pour localiser Didymos afin d’effectuer les ajustements nécessaires avant que l’équipe de la mission ne commence à utiliser les images pour guider l’engin spatial vers l’astéroïde de manière autonome.
Une mission inédite de déviation d’un astéroïde
Si, pour le moment, la sonde est pilotée depuis le sol, elle deviendra autonome, c’est-à-dire sans intervention humaine, quelques heures avant son impact contre Dimorphos. D’ou la nécessité de s’assurer du bon fonctionnement de cette caméra qui sera utilisée pour guider la sonde vers son objectif.
À l’aide d’observations prises toutes les cinq heures, l’équipe de la Dart exécutera trois manœuvres de correction de trajectoire au cours des trois prochaines semaines, chacune d’entre elles réduisant davantage la marge d’erreur pour la trajectoire requise de l’engin spatial jusqu’à l’impact.
Après la dernière manœuvre, le 25 septembre, environ 24 heures avant l’impact, l’équipe de navigation connaîtra la position de la cible Dimorphos à 2 kilomètres près. À partir de là, la sonde Dart sera seule pour se guider de manière autonome jusqu’à sa collision avec l’astéroïde. L’objectif de la mission est de modifier de façon infime la trajectoire de Dimorphos autour de Didymos afin d’évaluer notre capacité à dévier la trajectoire d’un petit corps par un impact, étape importante pour démontrer qu’il est possible de protéger la Terre d’un astéroïde grâce à la technique de l’impacteur cinétique.