Pour fabriquer du gaz naturel liquéfié, c’est simple. Prenez du gaz naturel, purifiez-le soigneusement, puis refroidissez doucement, généralement en trois étapes, jusqu’à la température de − 163 °C. Il conviendra alors de le transvaser précautionneusement dans un stockage terrestre ou maritime pourvu d’une coque doublée en inox et parfaitement isolée de l’extérieur. Vous obtenez alors un liquide neutre et inodore, qui prendra 600 fois moins de place que le même sous forme de gaz.
Enfin, après son transport, il est regazéifié graduellement dans une unité spécialisée plus simple, pourvue d’échangeurs de chaleur. En fait, ce n’est pas simple du tout. Une unité de liquéfaction peut coûter plusieurs dizaines de milliards de dollars (autant d’euros). Le processus reste complexe, consomme presque 10 % du gaz injecté pour fonctionner et est deux à trois fois plus émetteur de CO2 qu’un gazoduc classique. Très cher, polluant, le GNL est pourtant la star du nouveau monde énergétique dans lequel nous sommes entrés en 2022.
Comme le camion face au train
Car il a un avantage décisif par rapport au système classique de transport par gazoduc : sa souplesse. En plein milieu de l’océan Indien, un navire méthanier peut d’un coup abandonner sa route vers Tokyo pour mettre le cap sur Rotterdam, aux Pays-Bas. C’est ce qui se passe aujourd’hui. Le gaz, à l’instar du pétrole, devient une commodité mondiale dont le trafic peut s’adapter sans problème au besoin des acheteurs, avec un prix qui varie en fonction de la demande. Les pétroliers ne s’y sont pas trompés et ont investi le secteur en masse.
C’est, au fond, le même raisonnement qui prévaut en matière de fret entre le transport par chemin de fer, économique et sobre, mais très rigide et massif, et le camion, plus cher, mais qui livre de porte à porte à la demande. Même chose pour l’avion, qui ne nécessite aucune route à construire, où même le satellite de communication par rapport à un réseau câblé. Dans un monde incertain et risqué, la flexibilité n’a soudain plus de prix. Jusqu’à ce que l’horizon se dégage et que l’on retourne sur la terre ferme.