Lundi 12 septembre, deux nouvelles images du télescope spatial James-Webb des agences américaines, européennes et canadiennes, sont diffusées. Elles montrent deux zones de la nébuleuse d’Orion, sise dans la constellation du même nom à 1 350 années-lumière de la Terre, dans notre Voie lactée. C’est la plus proche des pouponnières d’étoiles, ces régions de gaz, de poussières et d’étoiles où naissent encore des astres et où les chercheurs espèrent trouver des analogues de ce que fut notre système solaire en formation. Colorées, texturées, comme animées de mouvements de tempêtes ou d’eaux bouillonnantes, ces deux images éblouissent. Et étonnent. Pourquoi voit-on quelque chose alors que le rayonnement détecté par le télescope est invisible, car situé dans l’infrarouge. Plongée dans la fabrique de ces images, sur vingt-quatre heures.
Samedi 10 septembre, 21 heures. Le miroir de 6,5 mètres du James-Webb, situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, pivote imperceptiblement pour viser la nébuleuse d’Orion, après avoir capté la lumière de la naine blanche G191-B2B. Pendant deux heures cinquante-sept minutes, l’un des quatre instruments, Nircam, capte les précieux grains de lumière émis par M42, le nom précis de la pouponnière.
Dimanche 11 septembre, 00 h 40. Les résultats sont transmis dans la base de données publique MAST du Space Telescope Science Institute (STScI) depuis les Etats-Unis. Surprise : les images sont vraiment laides. En noir et blanc, striées, floues…
9 heures. A Toulouse, le responsable du programme 1288 consacré à Orion, Olivier Berné (Institut de recherche en astrophysique et planétologie), sonne le rappel des troupes pour faire parler ces images qu’il attend au moins depuis cinq ans. Ses deux collègues ingénieurs de recherche, Amélie Canin et Ilane Schroetter, filent au laboratoire. Ils commencent à télécharger les données… sur le perron, leur badge ne fonctionnant pas le dimanche. Leur responsable, doté du sésame, arrive accompagné d’une actrice centrale pour l’activité du jour, Salomé Fuenmayor, jeune graphiste espagnole, chargée de transformer la laideur initiale en beauté universelle.
11 h 30. Rythmées par les tours de moulin à café d’Ilane, qui moud à la main le breuvage stimulant, les étapes s’enchaînent dans le labo. Devant leurs deux écrans, l’un reproduisant les lignes de code à appliquer, l’autre les résultats, les ingénieurs savent exactement quoi faire pour traiter les très nombreuses images envoyées pendant la nuit. Le télescope en effet n’a pas pris qu’un seul cliché mais des dizaines. D’abord car sa caméra vise simultanément deux régions d’Orion. Ensuite parce que chacune de ces prises de vue est en fait découpée en 14 filtres, correspondant à des parties différentes du spectre infrarouge, de 0,6 à 5 micromètres. Enfin, pour chaque filtre, plusieurs images sont prises décalées de quelques pixels, pour éliminer des points défaillants et améliorer la résolution. Soit au total 280 images à traiter.
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