Risque systémique : événement qui met en danger tout un système. En l’occurrence, l’ensemble de l’économie du premier pays d’Europe. La nationalisation du fournisseur de gaz allemand Uniper a toutes les chances de figurer en bonne place dans les manuels d’économie comme illustration du phénomène.
Après avoir dépensé près de 19 milliards d’euros pour tenter de sauver l’entreprise, Berlin se voit contraint de la racheter à son propriétaire, l’électricien finlandais Fortum, pour y injecter 8 milliards d’euros supplémentaires afin de la maintenir à flot. Faute de quoi des milliers d’entreprises allemandes devront mettre la clé sous la porte. D’ores et déjà, cette affaire va plonger le pays dans la récession dès 2023.
Uniper est en effet le premier importateur de gaz russe d’Allemagne et d’Europe. L’entreprise est née de la cession de toutes les activités hydrocarbures et nucléaire de l’énergéticien E.ON. Elle produit de l’électricité à partir de charbon et de gaz en Belgique, en Hongrie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des centrales nucléaire en Allemagne, et même des barrages en Suède.
Manque d’anticipation
En France, elle a vendu ses centrales à charbon de Saint-Avold (Moselle) et Gardanne (Bouches-du-Rhône) au groupe EPH du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, actionnaire indirect du Monde. En dépit de sa taille et des prix stratosphériques de l’électricité, la firme s’est ruinée en achetant sur les marchés spot le gaz que le pipeline Nord Stream 1 ne lui fournissait plus, à un prix quatre fois plus élevé qu’en 2021.
Le gouvernement d’Olaf Scholz n’est pas au bout de ses peines puisque, même après la nationalisation d’Uniper, il devra négocier avec l’Etat finlandais, propriétaire de Fortum, le remboursement d’un prêt de 8 milliards que ce dernier a octroyé à sa filiale allemande en janvier. L’affaire fait scandale à Helsinki. En outre, cette opération remet en cause le projet de taxation du gaz concocté par le ministre de l’économie, Robert Habeck, et l’engagement du ministre des finances, Christian Lindner, de réduire la dette du pays comme la Constitution l’impose.
Cette catastrophe met de nouveau en relief le manque d’anticipation des autorités allemandes devant le risque de leur dépendance au gaz russe. Persuadé que ce n’était pas dans l’intérêt de Moscou de se passer de son client allemand, celui-ci n’a pas vu que le gaz était bien plus systémique pour lui que pour son fournisseur. Il en paie aujourd’hui le prix fort.