Les jeunes partisans de l’indépendance estiment que se séparer du Canada permettrait aux Québécois d’être plus verts et de prendre leur avenir environnemental en main. Mais un Québec souverain pourrait-il vraiment être plus vert?
Impossible, évidemment, de connaître hors de tout doute la direction environnementale que prendrait le Québec une fois indépendant. Mais si le gouvernement au pouvoir avait de grandes ambitions en la matière, il aurait assurément plus de facilité à atteindre ses buts, puisqu’il aurait un meilleur contrôle sur les projets au sein de ses frontières, indique Anne-Sophie Doré, avocate et coordonnatrice de la clinique juridique du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).
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«Il faut savoir que l’environnement n’est pas une compétence qui figure dans la constitution canadienne. Pour prendre des décisions en matière environnementale, il faut se rabattre sur d’autres compétences. À l’heure actuelle, le fédéral peut intervenir en terre provinciale sans l’accord de la province quand ça se rattache directement à sa compétence», indique-t-elle.
La juriste prend l’exemple du projet d’agrandissement du port de Québec. Le Port, une entité fédérale sous la juridiction de Transports Canada, s’est battu pour que les dispositions de la loi québécoise sur l’environnement ne s’appliquent pas chez lui. La Cour suprême du Canada a finalement confirmé que le fédéral avait préséance dans le dossier, empêchant le Québec de freiner le projet pour évaluer ses conséquences environnementales.
Dans le cas d’un pipeline dont l’objectif serait de transporter du pétrole de l’ouest du pays vers l’est, le Québec aurait plus de facilité à bloquer le projet sur son territoire, croit l’avocate. Ce ne serait toutefois pas gagné d’avance.
«L’enjeu du transport interprovincial de pipeline n’a pas encore été tranché par les tribunaux, donc il y a encore beaucoup de zones grises. Il y a des juristes qui disent que c’est impossible que le provincial puisse dire non si le fédéral donnait son accord, alors que d’autres croient que le provincial pourrait imposer des conditions et dire non à l’évaluation», explique-t-elle.
«Or, si le Québec était un pays, cela relèverait du droit international et nous pourrions simplement fermer les frontières», ajoute-t-elle.
L’environnement, une priorité chez les jeunes indépendantistes
Depuis qu’il a repris les rênes du Parti Québécois en 2020, Paul St-Pierre Plamondon tente justement de lier l’indépendance à l’environnement, dans l’espoir de rallier plus de jeunes à sa cause.
Le chef a d’ailleurs mentionné que le Québec participait bien malgré lui à financer l’exploitation des énergies fossiles de l’Ouest canadien lors du débat des chefs présenté jeudi dernier à Radio-Canada.
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«Chaque année, les Québécois voient leurs impôts partir vers Ottawa, et ce sont plus de 2 milliards $ qui sont versés en cadeau aux pétrolières de l’Alberta», a avancé PSPP sur le plateau de Patrice Roy.
Quitter un pays pétrolier, reprendre le plein contrôle sur les projets potentiellement polluants et mieux négocier la transition énergétique: pour les jeunes militants indépendantistes avec qui le 24 heures s’est entretenu, la crise climatique est assurément l’une des raisons principales de leur engagement.
«On se démarque par notre hydroélectricité et notre désir de délaisser les énergies fossiles au profit des énergies renouvelables et écologiques, comparativement à l’Ouest canadien. Donc, pour moi, c’est impossible d’être aussi vert qu’on le voudrait au sein du Canada», affirme Clodie Parenteau, porte-parole de l’association de campus de Québec solidaire à l’Université de Montréal.
«La majorité de nos militants ont entre 20 et 22 ans et, pour plusieurs d’entre eux, l’indépendance doit absolument servir à répondre à des enjeux urgents comme celui de la crise environnementale», souligne pour sa part Camille Goyette-Gingras, la présidente de OUI Québec, un organisme ayant pour mission de réunir les indépendantistes de tous les horizons.
Un mouvement figé dans le temps
Malgré l’inquiétude et l’urgence d’agir face aux changements climatiques, les arguments environnementaux ne semblent pas suffire à convaincre les jeunes de se rallier à la cause de l’indépendance à l’extérieur des cercles militants.
Un sondage Ipsos publié en avril dernier par La Presse révélait qu’à peine 2% des jeunes de 18 à 30 ans considèrent la souveraineté comme un des deux enjeux électoraux les plus importants. Ils ont toutefois établi l’environnement comme l’enjeu prioritaire à 25%, à égalité avec la santé.
Alors, s’ils sont à ce point préoccupés par l’environnement, pourquoi le mouvement indépendantiste n’arrive-t-il pas à les séduire?
Ce désintérêt des jeunes pour l’indépendance s’explique principalement par le fait que le projet est surtout associé au Parti Québécois, affirme la professeure en science politique de l’Université Laval Valérie-Anne Mahéo.
Malgré les efforts déployés ces dernières années par la formation pour élargir son discours, le projet d’indépendance qu’il propose se fonde «sur l’ethnicité et le nationalisme identitaire», ce qui rebute les plus jeunes, poursuit-elle.
«Chez les nouvelles générations, il y a généralement une plus grande ouverture face à la diversité que les plus vieilles générations. De plus, la souveraineté est née dans un contexte où la menace à la langue française et les inégalités économique et politique entre les francophones et les anglophones façonnaient la société. Aujourd’hui, les jeunes ne font plus face aux mêmes inégalités entre francophones et anglophones, la plupart ne voient plus – on le voit dans les sondages – que le français est menacé. Pour beaucoup d’entre eux, ce discours est obsolète », conclut-elle.
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Québec solidaire, l’autre parti souverainiste dans cette campagne, parle beaucoup moins d’indépendance que le PQ, préférant miser sur la justice sociale et l’environnement. Cette stratégie semble plaire aux jeunes, alors que 36% des 18 à 34 ans prévoient voter pour le parti de gauche le 3 octobre prochain, selon le dernier sondage Léger publié tout juste avant le déclenchement de la campagne.
Les deux partis souverainistes à l’Assemblée nationale
Le Parti Québécois et Québec solidaire sont les deux seuls partis souverainistes représentés à l’Assemblée nationale.
Ce que propose le Parti Québécois en lien avec l’indépendance
Le PQ promet de tenir un référendum dans un premier mandat et estime que la préparation de l’indépendance entraînerait des dépenses de 231 millions $ sur trois ans.
Ce que propose Québec solidaire en lien avec l’indépendance
QS promet de lancer une démarche d’assemblée constituante citoyenne qui sillonnerait le Québec afin de consulter les Québécois et les Québécoises sur la question. Cette assemblée aurait ensuite le mandat d’élaborer un projet de constitution pour un Québec indépendant. Le projet serait ensuite soumis à un référendum. QS estime des dépenses d’un demi-milliard $ pour réaliser son plan.
Combien de Québécois sont souverainistes?
Selon le dernier sondage Léger sur la question publié le 18 juin, 32% des Québécois voteraient «Oui» dans le cadre d’un référendum sur la souveraineté. 53% voteraient contre et 15% se disaient indécis.
Trois politiciens vedettes de la CAQ qui ont déjà été indépendantistes
François Legault
Le premier ministre caquiste a fait son entrée en politique sous la bannière du Parti Québécois en 1998 et a occupé plusieurs fonctions importantes, comme celle de ministre de l’Éducation (1998-2002) et de ministre de la Santé et des Services sociaux, jusqu’en 2003. Il était député du PQ jusqu’en 2009.
Bernard Drainville
Le candidat caquiste dans Lévis a été député du PQ de 2007 à 2016. Il a été ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne de 2012 à 2014, en plus de piloter le projet de loi sur la laïcité de l’État et sur l’encadrement des demandes d’accommodements religieux.
Caroline St-Hilaire
La candidate caquiste dans Sherbrooke a représenté le Bloc Québécois pendant 11 ans en politique fédérale, soit quatre mandats, entre 1997 et 2008.
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