En grand appareil, la première ministre Elisabeth Borne s’est déplacée dans l’Oise pour dire tout le bien qu’elle pense de l’hydrogène. Flanquée de quatre ministres, elle a profité de l’inauguration par la société Plastic Omnium d’une usine de fabrication de réservoirs à hydrogène pour dévoiler les dix premiers projets français autorisés par Bruxelles pour recevoir des subventions dans ce domaine. L’Etat va investir 2,1 milliards d’euros, qui viendront s’ajouter à 3,2 milliards d’investissement privé qui vont permettre de faire sortir de terre dix usines pour produire les éléments de la chaîne de l’hydrogène : des électrolyseurs pour extraire le gaz de l’eau, des réservoirs pour le stocker et des piles à combustibles pour retransformer ces molécules en électricité.
Premier effet bénéfique, l’emploi promis de 5 200 personnes. Mais l’ambition va bien au-delà puisque le gouvernement entend investir un total de 9 milliards d’euros d’ici à 2030. La promesse de l’hydrogène est immense, elle est à la fois celle d’un gaz propre remplaçant ses équivalents fossiles pour propulser des avions et alimenter des hauts fourneaux, et celle du stockage et du transport de l’électricité, notamment celui produit par les éoliennes et le solaire et les sortir ainsi de la malédiction de l’intermittence.
Filière décimée
Mais il y a une autre promesse, vieille lune française, qui est de créer de toutes pièces une filière industrielle capable d’employer près de 100 000 personnes dans des métiers de haute technicité. Et dans ce domaine, la route sera longue. D’abord parce que la technologie de production d’hydrogène à partir de l’eau demande énormément d’électricité. Il faudra donc multiplier les infrastructures électriques, renouvelables ou nucléaires, alors que l’on en manque aujourd’hui. L’autre écueil est celui de la montée en puissance industrielle et de la baisse des coûts qui devra en découler. Car si l’objectif est de décarboner notre économie, il faudra que la filière française soit compétitive, sinon les utilisateurs, pressés par la contrainte réglementaire, iront voir ailleurs.
Et ressurgit le spectre du désastre de la filière industrielle du solaire photovoltaïque en Europe, décimée en moins d’une décennie au tournant des années 2010 par la machine industrielle chinoise, ses subventions et ses effets d’échelle massifs. Avec ce dilemme cornélien : ralentir la compétition par des barrières pour protéger une filière nationale pénalise la pénétration de la technologie et en l’occurrence celle liée à la lutte contre le réchauffement climatique. Il faudra donc marier pertinence, constance et performance. Le secret d’une bonne politique industrielle en somme.