D’un pas précautionneux, câbles et puces électroniques apparentes, « Bumble C » est arrivé sur la scène de la conférence Tesla AI Day, à Palo Alto, en Californie, vendredi 30 septembre. Il a esquissé un salut de la main, et une vidéo l’a montré apportant un colis à un employé et arrosant des plantes. Cet exemplaire du robot humanoïde Optimus, conçu par l’entreprise Tesla d’Elon Musk, a fait le spectacle lors du show du constructeur de voitures électriques consacré à l’intelligence artificielle.
Des employés ont aussi fait glisser sur des roulettes un prototype plus avancé d’Optimus, avec moins de câbles apparents, mais encore incapable de marcher tout seul. Elon Musk a reconnu que d’autres sociétés ont conçu des robots plus sophistiqués, mais « il leur manque un cerveau et ils n’ont pas l’intelligence nécessaire pour se mouvoir d’eux-mêmes (…). Et ils sont très chers ». Tesla a également présenté une vidéo du robot, qui utilise l’intelligence artificielle (IA) développée par l’entreprise et expérimentée sur ses voitures autonomes, portant des boîtes et les plaçant sur une étagère métallique dans ce qui ressemble à une chaîne d’assemblage. Mais le public n’a pas eu l’occasion de voir le robot effectuer ces tâches en direct.
« Un avenir d’abondance »
Elon Musk prévoit de tester Optimus dans l’usine californienne du groupe pour prouver son utilité. Il espère qu’il sera un jour « amical » et que discuter avec lui semblera « naturel ». Il a promis des fonctionnalités de sécurité, pour éviter un « scénario à la “Terminator” ». « Naturellement il y aura une version “catgirl” », a tweeté le fantasque entrepreneur pendant la conférence, avec la photo d’une silhouette féminine de dos, campée devant une file de robots métalliques.
Le patron de Tesla ambitionne un robot qui, à terme, coûtera « probablement moins de 20 000 dollars », et sera conçu pour être répliqué en « millions d’unités ». Il parie sur des premières livraisons d’ici trois à cinq ans. La conférence doit servir à recruter plus d’ingénieurs pour atteindre cet objectif, et ainsi « transformer fondamentalement la civilisation ».
Le multimilliardaire avait présenté en 2021 ce projet d’un robot pouvant accomplir les tâches répétitives à la place des humains. « Cela signifie un avenir d’abondance, un avenir où il n’y a pas de pauvreté, où les gens auront ce qu’ils veulent en termes de produits et de services », a détaillé le patron de SpaceX (fusées) et Neuralink (implants cérébraux), jamais avare en prédictions extraordinaires.
« Cette chose va beaucoup tomber »
La présentation n’a pas convaincu tous les observateurs des recherches en robotique. « Si vous cherchez à développer un robot à la fois abordable et utile, le choix d’une apparence et d’une taille humanoïdes n’est pas forcément le plus opportun », estime Tom Ryden, directeur exécutif de l’incubateur de start-up MassRobotics, à but non lucratif. Le chercheur en IA Filip Piekniewski a jugé sur Twitter qu’il serait bon de tester les chutes du robot Optimus, « car cette chose va beaucoup tomber ». L’experte Cynthia Yeung, de l’entreprise Plus One Robotics, a considéré que la présentation de Tesla n’avait « rien d’avant-gardiste ».
Tesla n’est pas le premier constructeur automobile à se lancer dans la conception de robots humanoïdes. Il y a plus de vingt ans, Honda avait dévoilé Asimo, qui ressemblait à un astronaute, au cours d’une démonstration soigneusement préparée dans laquelle il versait du liquide dans une tasse. Hyundai possède aussi une collection de robots à l’apparence humaine ou animale, depuis son acquisition en 2021 de la société Boston Dynamics. Ford est partenaire de la start-up américaine Agility Robotics, qui produit des robots dotés de quatre membres, capables de marcher et de soulever des colis.
Aux yeux de Tom Ryden, par le passé, les présentations spectaculaires n’ont pas conduit à des « scénarios d’applications concrètes » à la hauteur des grandes annonces : ces compagnies « apprennent beaucoup de la façon dont fonctionnent les humanoïdes, mais quant à disposer d’un tel robot en tant que produit commun, je ne suis pas sûr que cela arrive de sitôt ».
Depuis l’annonce d’Optimus, « Musk fait face aux sceptiques », note l’analyste Dan Ives, de la banque d’investissement Wedbush Securities. « Le marché est concentré sur l’amélioration des batteries, sur les capacités de production des nouvelles usines à Berlin et Austin [Texas], et sur la concurrence de tous les côtés pour les voitures électriques. Pas sur les robots humanoïdes. »
En conflit avec Twitter
Le patron divise aussi sur les véhicules autonomes, qu’il promet pour très bientôt depuis des années. Le système Autopilot de Tesla est sous le coup d’une enquête du régulateur américain concernant les questions de sécurité, pour avoir déclenché des freinages sans raison ou foncé sur des véhicules de secours, qui stationnaient le long d’autoroutes, gyrophares allumés. Elon Musk, lui, estime enregistrer les meilleurs scores aux tests de sécurité. « Vous avez l’obligation morale » de déployer un système de voiture autonome « s’il réduit le nombre d’accidents et de morts », a-t-il assené vendredi.
Il a par ailleurs déclaré à deux reprises, vendredi, qu’il était « essentiel » que l’entreprise construisant ce robot soit cotée en Bourse, « parce que si le public n’aime pas ce que fait Tesla, le public peut acheter des actions et voter différemment ». « Il est très important que je ne puisse pas juste faire ce que je veux », a-t-il ajouté en riant.
Ce commentaire ne passera pas inaperçu dans le contexte du conflit qui l’oppose à Twitter et qui doit déboucher sur un procès à gros enjeux mi-octobre. L’homme le plus riche du monde a signé au printemps un contrat de rachat du réseau social, avant de revenir sur sa décision en juillet. La plate-forme le poursuit en justice pour le forcer à honorer son engagement. Elon Musk avait dit vouloir faire de Twitter une entreprise privée (non cotée en Bourse), qui échapperait donc à tout contrôle extérieur.