Originaires des plaines glacées du Michigan, Keith et sa femme, Tinka Bucholtz, venaient passer tous les hivers en Floride et s’y étaient installés définitivement il y a quatre ans, à Fort Myers, sur la côte est de la péninsule. Lorsque l’ouragan Ian s’est annoncé, les deux retraités n’ont pas évacué. Ils sont allés se réfugier chez leur fille. Une maison au bord de la lagune, mais en béton, isolée avec des fenêtres anti-ouragans et surélevée. Pas de danger, pensaient-ils, alors que l’œil du cyclone touchait terre. « On n’entendait même pas le vent à l’intérieur », explique Keith Bucholtz, assis sur son perron, par 24 °C et un soleil automnal redevenu radieux.
La maison n’a pas bougé, mais c’était compter sans la montée des eaux, en ce funeste mercredi 28 septembre. L’eau monte, de près de 2 mètres, jusqu’à toucher le premier étage. Tinka Bucholtz ne sait pas si les eaux vont continuer de monter. « Bien sûr que j’ai cru que j’allais mourir. On a le temps de gamberger dans ces moments-là. Cet ouragan m’a fait prendre dix ans. Plus jamais je ne reviendrai vivre en Floride », assure la septuagénaire. La maison du couple, à la différence de celle de leur fille, est détruite. C’est décidé, ils retourneront s’installer dans leur Michigan natal, au nord de Grand Rapids.
Dans cet ouragan, ce n’est pas le vent qui a surpris. Il a semé la désolation sur son passage, mais de manière attendue : à force de renforcer ses normes anti-ouragans, les plus strictes du pays, la Floride a construit des ouvrages d’art qui résistent de mieux en mieux. Certes, les ponts qui mènent aux îles voisines de Sanibel et Pine Island ont été emportés. Mais les maisons construites aux normes floridiennes ont résisté vaille que vaille, tandis que les bicoques en bois misérables et les camping-cars se sont envolés, que les cocotiers ont été arrachés et les arbres déracinés.
La rue envahie par la mer
Non, le phénomène inattendu porte sur la montée des eaux, créée par la dépression cyclonique, amplifiée par une marée haute, les vents et la faible profondeur de la baie. Ainsi, Keith Cunningham, 74 ans, entrepreneur retraité du Delaware, n’a pas vraiment eu peur pour sa vie : sa solide maison dispose de deux étages, et il y est aussi resté pendant la tempête. Soudain, pendant que l’ouragan atteint son apogée, il reçoit le coup de fil de ses voisins, un couple de septuagénaires : ils n’ont qu’un étage et demandent à se réfugier chez lui. Il les voit, traversant la rue envahie par la mer, battue par des vents supérieurs à 100 kilomètres par heure, de l’eau jusqu’au-dessus de la ceinture. « J’ai cru qu’ils n’y arriveraient pas », raconte-t-il dans son garage, casquette défendant le droit de porter des armes sur la tête.
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