Quel est le point commun entre les cols roulés de Bruno Le Maire, la doudoune d’Elisabeth Borne et le tancarville de Gilles Le Gendre ? Les sorties très médiatiques, ces derniers jours, de plusieurs ministres et députés de la majorité, déterminés à donner l’exemple face à la crise énergétique, ont suscité railleries et indignation sur les réseaux sociaux et dans l’opposition. Mais ils ont aussi permis de remettre en lumière le mantra actuel de l’exécutif en la matière : l’impératif de « sobriété ». Autrement dit, la nécessité de réduire la consommation d’énergie.
Alors que le gouvernement doit présenter, jeudi 6 octobre, son plan de sobriété, ce concept permet à l’exécutif d’englober à la fois la crise énergétique qui menace le portefeuille des Français et les bouleversements à venir en matière de transition climatique, dont chacun a pu sentir les effets délétères cet été. Ce qui permettra au pays de traverser l’hiver sans inconfort majeur ?
« Une sobriété choisie plutôt que des coupures [de gaz ou d’électricité] subies », avait martelé la première ministre, mi-septembre, en présentant les modalités du « bouclier tarifaire », ces 45 milliards d’euros destinés à compenser la flambée des prix de l’énergie pour les ménages et les entreprises dans les mois à venir. Une semaine plus tôt, Emmanuel Macron avait exhorté ses concitoyens à « être au rendez-vous de la sobriété » pour éviter tout rationnement d’énergie. « On doit tous se bouger ! », avait-il poursuivi, appelant à « changer les comportements ».
Totalement absent du discours de l’exécutif jusqu’à l’hiver passé, le terme de sobriété est apparu timidement, une première fois, en février 2022, dans le discours du locataire de l’Elysée, à Belfort, sur le nucléaire. Mais, s’était alors empressé d’ajouter le chef de l’Etat, pas question de relier ce concept à l’« austérité énergétique », encore moins à la « privation ». Une gageure pour un Emmanuel Macron qui a toujours misé sur la libre entreprise et sur la croissance pour promettre des « jours heureux » à ses concitoyens. Et pour incarner une forme d’espoir face au repli sur soi des extrêmes. Le président de la République lui-même ne raillait-il pas, en septembre 2020, le « modèle amish » qu’il prêtait aux opposants à la 5G ?
« Une antinomie »
« Il y a une antinomie avec le message d’Emmanuel Macron, dans lequel la croissance et le travail ont toujours été vus comme les outils de l’émancipation, observe Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Sa matrice de départ, qui repose sur l’industrie et le progrès, n’est pas du tout celle de la sobriété. »
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