Quand un camion-citerne s’est présenté, mercredi 12 octobre à midi, pour ravitailler la station-essence du petit Carrefour de La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher), des employés du magasin se sont précipités. « Avec leurs voitures, ils ont formé une petite file depuis le parking du supermarché, alors que toutes les autres faisaient la queue depuis la départementale et n’avançaient presque plus. C’était un peu tendu », déclare un homme qui en est à son deuxième passage à la pompe. « Tant que je peux, je tiens à garder mon réservoir plein. On ne sait pas ce qui va se passer demain. »
Le vigile aux habits bleu nuit, Alexandre (qui n’a pas donné son nom, comme les autres personnes interrogées), multiplie les allées et venues entre la station et les rayons de son supermarché. Il est 16 h 30 et les sondes des cuves signalent déjà une rupture imminente. « D’après mon pupitre, il ne reste presque plus de sans-plomb et à peine 4 000 litres de gasoil. Ça sent la fin ! » explique le pompiste, en s’extirpant de sa cabine aux vitres sans tain, muni de housses de pistolet « hors service ».
Le vigile déambule parmi la queue : « Les sans-plomb, vous pouvez partir, y a plus rien ! Les diesel, c’est bon, vous restez. » Géraldine et Patrick s’avancent avec leur fourgon Mercedes. Le couple rentre frustré d’un crochet par l’autoroute. « Parce qu’on nous avait dit qu’on y trouverait plus facilement de l’essence », lance Géraldine. « Bonjour le tuyau ! Le gasoil y était vendu à 2,35 euros le litre » – 55 centimes de plus qu’ici.
« Où je vais alors, maintenant ? »
Il est 17 h 06 et la fermeture s’impose. Le vigile dégaine un ruban de signalisation, tandis que le pompiste pointe sa télécommande vers le totem des prix. Les chiffres dégringolent à zéro. Quelques instants plus tard, la station de Carrefour est aussi déserte que sa concurrente et voisine Esso. Malgré cela, une dépanneuse jaune s’approche, puis une 106 toute patinée. Sarah, sa conductrice, est préparatrice de commande pour une plate-forme logistique de Mer, à 20 kilomètres. Deux collègues sont assises à l’arrière. « On est en covoiturage depuis cet été à cause des prix fous. Qu’est-ce qu’on a eu raison ! »
Derrière, une dame âgée affiche son plus beau sourire. Au diable la Rubalise bicolore : le pompiste succombe. « C’est bon vous tous, vous pouvez entrer. Mais après, c’est vraiment terminé ! » Brigitte, 72 ans, est retraitée de l’éducation nationale et vit à La Chaussée. « Comme j’habite le lotissement d’à côté, j’aurais très bien pu venir faire le plein ce midi, mais je ne me voyais pas prendre l’essence de quelqu’un qui en avait plus besoin que moi. »
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