Jeudi 13 octobre, au cœur de la grève qui secoue l’industrie pétrolière, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, invité de France Inter y allait de son diagnostic : « Il y a un sujet salarial dans notre pays et (…) il faut y répondre. » Et de recommander que les branches professionnelles et les entreprises règlent la question.
La veille, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lors de la publication de ses prévisions, indiquait que, selon les estimations de ses experts, le pouvoir d’achat par unité de consommation des Français devrait se contracter de 1,4 % sur les deux années 2022 et 2023, « ce qui le ramènerait à un niveau proche de 2019 ». Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE, revient sur les ferments des tensions sociales observées ces dernières semaines.
L’émergence de conflits salariaux était-elle inévitable ?
Le choc induit par la hausse des prix de l’énergie correspond à un prélèvement de 3 points de PIB sur notre économie, soit entre 70 et 80 milliards d’euros. C’est énorme. Pour retrouver un impact de cette ampleur, il faut revenir au premier choc pétrolier. La question, dès lors, est de savoir comment on répartit ce coût, entre l’Etat, les entreprises et leurs actionnaires et les salariés. Aujourd’hui, au travers du bouclier tarifaire et des mesures de soutien, l’Etat prend près de 50 milliards à sa charge.
Jusqu’à présent, les entreprises ont peu ou prou maintenu le niveau de leurs marges. En revanche, les salaires n’augmentent pas aussi vite que l’inflation. A la mi-2021, les salaires augmentaient au rythme de 1,5 % environ. Un an après, à la mi-2022, ce rythme avait dépassé 3 %. Mais dans le même temps, l’inflation a triplé, passant de 1,7 % à près de 6 % ! On n’a jamais eu de telles pertes de salaires réels au cours des dernières décennies. Actuellement, ce sont principalement les salariés qui encaissent le choc de l’inflation.
Comment expliquer ce décalage ? Pourquoi l’inflation n’a-t-elle pas été davantage prise en compte dans les négociations passées ?
On n’ouvre pas des négociations salariales tous les jours dans les entreprises : cela crée une forme d’inertie dans l’évolution des salaires. Il ne faut pas oublier non plus que cela faisait dix ans qu’on avait une inflation très faible, autour de 1 %. Et, à l’automne 2021, lorsque les prix des matières premières ont commencé à augmenter, on pensait que le pic d’inflation serait temporaire, qu’il était lié à la sortie du covid. Mais la guerre en Ukraine a éclaté et l’inflation est devenue beaucoup plus durable, plus robuste et plus élevée. Les anticipations ont changé et les salariés ont clairement intégré qu’ils perdent du pouvoir d’achat.
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