Le verdict est tombé et il comble de joie les spécialistes de ce que, dans le monde de l’astronomie et du spatial, l’on nomme « défense planétaire » – comprenez « les parades contre les menaces venues du cosmos ». Mardi 11 octobre, la NASA a rendu public le résultat de la collision entre son vaisseau-kamikaze DART (Double Asteroid Redirection Test) et le petit astéroïde Dimorphos : en percutant à la vitesse de 22 000 kilomètres par heure ce gros caillou de 160 mètres de diamètre, le 27 septembre, la sonde d’une demi-tonne est parvenue à le dévier légèrement de sa trajectoire. Un test crucial pour apprendre à protéger la Terre d’un éventuel astéroïde qui foncerait droit sur elle et dont l’impact aurait des conséquences cataclysmiques.
Comment a-t-on déterminé ce résultat, alors même que la rencontre s’est produite à 11 millions de kilomètres et que, à cette distance, Dimorphos n’est qu’une poussière dont on ne connaissait même pas la forme avant que DART s’en approche ? Pour le comprendre, il faut savoir que Dimorphos ne voyage pas seul, qu’il est le satellite d’un astéroïde plus gros, appelé Didymos. Grâce à une remarquable campagne d’observation coordonnée qui a impliqué une quarantaine de télescopes terrestres et spatiaux – pour l’occasion, le télescope spatial James-Webb et son aïeul Hubble ont pour la première fois visé conjointement la même cible –, les astronomes ont mesuré la période de révolution de Dimorphos autour de Didymos après l’impact. Celle-ci est passée de onze heures et cinquante-cinq minutes à onze heures et vingt-trois minutes, soit une réduction de trente-deux minutes, ce qui implique que l’astéroïde satellite s’est effectivement rapproché de son compagnon.
« Au-delà de nos espérances »
Ces trente-deux minutes sont bien supérieures aux soixante-treize secondes sur lesquelles les scientifiques, très prudents, tablaient au départ. « Cet écart de soixante-treize secondes était un écart minimum, calculé dans l’hypothèse où DART se serait enfoncé dans Dimorphos comme dans de la pâte à modeler, sans éjection de matière, explique Patrick Michel, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur et spécialiste des astéroïdes. Mais dès qu’on éjecte de la matière, le principe action-réaction entre en jeu : ce qui s’en va dans un sens pousse dans l’autre. » Plus la collision propulsait de la roche dans l’espace, plus on s’éloignait des soixante-treize secondes. « Une grande gamme de valeurs était donc possible, poursuit Patrick Michel. On s’attendait plutôt à dix-quinze minutes, mais un écart de trente-deux minutes faisait partie des possibilités. C’est donc allé au-delà de nos espérances sans être au-delà de nos prédictions. »
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