La vasectomie séduit de plus en plus d’hommes en France. Peut-on cependant considérer que cette intervention chirurgicale à visée contraceptive est entrée dans les mœurs?
La vasectomie est-elle entrée dans les mœurs? De plus en plus d’hommes se tournent vers cette méthode de contraception. En une dizaine d’années, le nombre de vasectomies a été multiplié par douze en France. C’est le cas de Thomas (qui a souhaité n’être présenté que par son prénom), un Montpelliérain de 41 ans qui a récemment fait ce choix.
“Ça a été une évidence”
“J’ai déjà deux enfants d’une première union, ma compagne aussi”, explique à BFMTV.com ce chargé de relations entreprises en famille recomposée. Pas question pour le couple de mettre au monde un cinquième enfant. Alors après un début de grossesse indésirée et une IVG, le couple recherche un nouveau moyen de contraception.
Mais la compagne de Thomas ne souhaite plus prendre la pilule ni porter de stérilet. Une sage-femme évoque la ligature des trompes – “mais je trouve que c’est trop compliqué, trop invasif”, juge le quadragénaire. La professionnelle de santé leur parle également de la vasectomie.
“C’est seulement un petit canal à couper. Ça a été une évidence. J’ai rencontré un andrologue qui m’a tout expliqué, ça m’a paru très simple”, explique-t-il.
La vasectomie est une méthode de contraception permanente, définitive et irréversible: après une vasectomie, le sperme est donc dépourvu de spermatozoïdes. L’Assurance maladie précise cependant que cette opération “ne modifie pas la qualité de la vie sexuelle (érection, éjaculation et plaisir sexuel)” mais “ne protège pas contre les infections sexuellement transmissibles”.
Concrètement, cette intervention consiste à “couper ou obturer les canaux déférents qui partent de l’épididyme (au niveau du testicule, NDLR) et vont jusqu’à la prostate”, explique encore l’Assurance maladie. Elle est peu invasive: le chirurgien y accède par une petite incision de la peau des bourses et se pratique en ambulatoire.
Et les techniques le sont de moins en moins: Antoine Faix, urologue et andrologue, ancien responsable du comité d’andrologie et de médecine sexuelle au sein de l’Association française d’urologie, pratique la vasectomie sans scalpel. Une technique “indolore”, selon l’Association française d’urologie.
“L’ouverture est plus fine, on incise plus facilement et plus rapidement avec une petite pince, le geste est plus précis”, précise pour BFMTV.com ce médecin spécialiste du sujet.
“C’est vraiment pas grand chose”
En 2010, lorsque cette intervention chirurgicale à visée contraceptive est autorisée en France, quelque 1908 vasectomies sont réalisées, selon les données de l’Assurance maladie. En 2021, elles étaient au nombre de 23.306.
“C’est en augmentation constante depuis trois ou quatre ans et ça va continuer d’augmenter dans les prochaines années”, prédit l’urologue et andrologue Antoine Faix. Lui-même effectue entre 10 et 20 vasectomies par mois.
Thomas, quant à lui, ne regrette absolument pas sa vasectomie et se dit, un an après, “complètement satisfait”. “C’est une toute petite opération, c’est vraiment pas grand chose et je n’ai pas du tout eu mal – dieu sait pourtant que je suis chochotte.” Il l’a même recommandée à ses amis.
Parmi les patients d’Antoine Faix, trois profils: des hommes en couple ayant déjà des enfants dont la compagne ne souhaite plus prendre de contraception, des hommes célibataires qui ont déjà des enfants mais ne souhaitent plus en avoir et enfin des hommes sans enfant, parfois très jeunes. Autour d’une vingtaine d’années pour certains.
“C’est un nouveau profil et leurs motivations sont souvent écologiques. Ils me disent qu’ils ne veulent pas avoir d’enfants dans ce monde, qu’on est déjà trop nombreux sur Terre. Et même s’ils sont en couple, ils n’ont pas ce projet”, relate-t-il.
Pour cet urologue et andrologue, l’augmentation du recours à la vasectomie s’explique par une conjonction de facteurs. D’abord, elle est davantage présentée dans les cabinets de gynécologie en alternative aux moyens de contraception féminine alors que les femmes se détournent de plus en plus de la pilule (en 2010, 41% des femmes âgées de 15 à 49 ans prenaient ce moyen de contraception, elles n’étaient plus que 33% six ans plus tard, selon Santé publique France).
Antoine Faix évoque également un facteur sociétal et un “changement de mentalité”. Si la contracepion a longtemps été considérée comme une affaire de femmes – la ligature des trompes a quant à elle été autorisée en 2001, soit près de dix ans avant la vasectomie – “de plus en plus d’hommes souhaitent un partage de la contraception au sein du couple”, assure-t-il.
Une image encore négative?
La vasectomie est-elle en voie de démocratisation? Pierre Colin, co-fondateur de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom), se montre plus mesuré.
“La France est en retard sur le sujet”, déplore-t-il pour BFMTV.com.
Aux États-Unis, près de 350.000 vasectomies sont réalisées chaque année. En Australie, un homme de plus de 40 ans sur quatre y a eu recours, indiquent les données officielles. Et au Royaume-Uni, où il faut parfois s’inscrire sur liste d’attente, prévient l’agence de santé britannique, la prévalence avoisine les 20%, selon une étude pubiée dans The Lancet – autour de 10% pour la Belgique ou l’Espagne, bien moins pour la France.
Pour Pierre Colin, la vasectomie souffre toujours d’une image négative. “Les hommes n’ont pas le réflexe d’aller consulter un urologue ou un andrologue, contrairement aux jeunes femmes, et attendent d’avoir 80 ans ou des problèmes de postate.” Et regrette que l’on considère “encore trop souvent” que la contraception “est une affaire de femmes”.
“Prendre ma part”
Mais c’est justement pour cette raison que Simon Leboeuf, 34 ans, s’est tourné vers la vasectomie. Ce kinésithérapeute installé dans l’Hérault, déjà père de trois enfants, voulait prendre “(s)a part dans cette charge mentale”, confie-t-il à BFMTV.com.
“Ma femme a accouché trois fois, a pris la pilule pendant des années, je trouvais que j’avais été assez préservé jusqu’à maintenant. Je me suis demandé ce que je pouvais faire. Symboliquement, c’était important.”
C’est d’ailleurs à la naissance de sa fille il y a deux ans que ce trentenaire se questionne sur les inégalités entre les genres. Il craint qu’elle n’en souffre plus tard et souhaite éduquer ses enfants sans leur imposer les “normes du patriarcat”. “C’est aussi un message pour ma fille et mes deux garçons. Je ne veux pas qu’ils deviennent des gros machos. Il fallait que je donne l’exemple.”