Engie, qui assure 40 % de la fourniture française de gaz, est un acteur-clé du système énergétique. Sa directrice générale, Catherine MacGregor, s’explique sur les enjeux de la crise : approvisionnement, remplacement du gaz russe, renouvelables, sobriété, taxes sur les superprofits…
Ne redoutez-vous pas des conflits salariaux chez Engie, comme chez TotalEnergies et EDF ?
Le climat social est toujours difficile à anticiper, et chaque groupe a ses propres enjeux. Depuis le début de cette crise, nous avons maintenu un dialogue constant avec nos partenaires sociaux. Nous sommes très vigilants sur les questions de pouvoir d’achat et nous avons tenu compte de la situation inflationniste en 2022, en mettant en place des mesures salariales et des primes, notamment pour les plus bas salaires. Toutes les entreprises du groupe ont prévu une ouverture anticipée des négociations salariales annuelles pour 2023.
Les tensions sociales sont en partie liées à l’envolée des prix. Sommes-nous entrés dans un nouveau monde de l’énergie ?
Les bouleversements actuels changent la donne à long terme. L’Europe, et notamment la France, était en avance. Elle avait une énergie relativement bon marché et de plus en plus décarbonée. Cet avantage compétitif est remis en question. A cela s’ajoutent les interventions des gouvernements pour modérer les prix. Elles sont souvent justifiées, mais créent de l’incertitude pour des investisseurs de long terme qui ont besoin d’un cadre stable et de visibilité. Enfin, la hausse des taux d’intérêt et la perspective d’une récession rendent la situation encore plus compliquée.
Les gouvernements ont-ils été assez réactifs pour contenir la flambée des prix de l’énergie ?
Ces prix avaient fortement augmenté fin 2021 et ont explosé après l’invasion de l’Ukraine [le 24 février]. Nous avons alors plaidé pour un plafonnement suffisamment élevé pour laisser fonctionner le marché. Je regrette qu’on n’ait pas été plus convaincants. Si les mesures avaient été prises plus tôt, cela aurait coûté moins cher aux Etats, puisque ce plafonnement aurait réduit les profits des producteurs de gaz, qui bénéficient de prix très hauts par rapport à leurs coûts. A plus long terme, c’est le marché de l’électricité qu’il faut revoir.
Ces prix élevés font-ils fuir des clients ?
La demande en gaz de nos gros clients industriels en Europe a baissé de 25 % à 30 %, soit qu’ils lui aient substitué une autre énergie, soit qu’ils aient suspendu ou arrêté leur production. Je pense que ce mouvement est réversible. Mais il est clair que les investisseurs regardent le cadre réglementaire et fiscal, et qu’il y a un risque de délocalisation si l’énergie reste plus chère qu’aux Etats-Unis ou en Asie. Nous ferons tout pour éviter cela.
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