Dans quelques mois, nous pourrons découvrir, après un intermède de treize ans, le deuxième film de la trilogie Avatar. Que d’attente ! La bande-annonce présage de nouvelles images spectaculaires, et une histoire qui rappelle celle du premier long-métrage. À ceci près que, cette fois, Jake Sully et Ney’tiri seront accompagnés de leur famille. La bande-annonce laisse entrevoir de nombreux paysages de Pandora, l’exolune sur laquelle résident les Na’vi.
Si un tel monde fait bien évidemment rêver (qui ne voudrait pas se tenir sur une île flottante ?), il soulève la question du réalisme scientifique. Pandora pourrait-elle exister ? L’astrophysicien et vulgarisateur scientifique Roland Lehoucq y répond dans une conférence du Cea-Saclay, où plusieurs aspects de l’exolune sont analysés.
La bande-annonce en VOSTFR d’Avatar 2 : la voie de l’eau
Un système planétaire avec 14 satellites
D’abord, la localisation de Pandora : au même titre que Io, la lune de Jupiter, elle orbite autour d’une planète, accompagnée de treize autres satellites, dont on ne parle pas dans le film Avatar. La planète se nomme Polyphème en l’honneur du fils de Poséidon, un cyclope qu’a combattu Ulysse. Cette planète orbite elle-même autour d’un système triple d’étoiles : le système Alpha du Centaure. Situé, comme son nom l’indique, dans la constellation du Centaure, il est le système stellaire le plus proche de nous, à quelque 4,37 années-lumière. Il contient deux étoiles proches, Alpha Centauri A et Alpha Centauri B, et une bien plus éloignée des deux autres, Proxima du Centaure, si bien que l’on peut considérer le système comme étant binaire.
Les deux étoiles A et B sont toutes deux des naines jaunes, de taille similaire au Soleil, A atteignant 1,1 masse solaire et B 0,9. Pour qu’une planète autour d’un tel système soit viable, elle ne doit orbiter qu’autour d’une seule des deux étoiles, au risque de se faire éjecter du système stellaire. C’est bien le cas de Polyphème, qui reste autour de Alpha Centauri A ! Elle en est cependant suffisamment proche pour ne subir que son influence gravitationnelle, à moins de 2 unités astronomiques (u.a, qui est égale à la distance Terre-Soleil).
Ses caractéristiques ? Roland Lehoucq les résume bien : c’est une Jupiter bleue. Pour son apparence du moins car, d’après l’astrophysicien, cette planète géante gazeuse ne doit pas dépasser la masse de Saturne ! Jusqu’ici, rien d’impossible : dans un tel système, il pourrait tout à fait se trouver une zone habitable, dans laquelle se trouvent Polyphème et son satellite Pandora. Plus exactement, pour que la lumière reçue soit égale à celle reçue par la Terre, le système planétaire doit se trouver à 1,23 u.a de son étoile.
La lune Pandora possède de nombreuses similitudes avec la Terre
Venons-en ensuite à Pandora : quelle est sa taille, ou sa distance avec Polyphème ? Pour l’évaluer, le chercheur se base sur la taille angulaire de la planète vue depuis la surface de son satellite. En comparant la taille angulaire d’un arbre, trouvée à partir de différentes hypothèses, le chercheur calcule celle de la géante gazeuse : elle atteint 24°, soit près de 50 fois celle de la Lune ! Puis, en connaissant la taille de Pandora, il arrive à une distance de 268.000 kilomètres, soit une orbite sensiblement similaire à celles des satellites de Saturne.
Mais, petit hic : d’après les données établies de Pandora, elle devrait se trouver dix fois plus loin de sa planète. Quant à la taille du satellite, son diamètre, il s’est basé sur le nombre d’arbres de la planète ; il a estimé la surface qu’ils devraient occuper, puis en imaginant que celle-ci correspond au même pourcentage que sur Terre, il en a déduit la surface de la planète et, à partir de la surface, il en a conclu un rayon de 4.900 km !
En s’appuyant sur ces données et en imaginant une densité similaire à celle de la Terre, la gravité sur Pandora est estimée être inférieure à celle de la Terre, et en atteint les trois quarts. Argument donné pour expliquer la taille des habitants humanoïdes bleus, les Na’vis. Mais un élément met en doute la possibilité d’une vie sur Pandora : les forces de marée. Avec une telle proximité entre la planète et son satellite, les forces de marée induisent une rotation synchrone, comme il l’est observé pour la Lune et la Terre. Dans ce cas, c’est toujours la même face de Pandora qui voit Polyphème.
De la vie sur une exolune comme Pandora ? Très peu probable
Mais, revenons au contexte qui se déroule sur cette exolune : au XXIIe siècle, l’humanité traverse sa pire crise énergétique, au point de vouloir piller des civilisations extraterrestres. Dommage pour Pandora, ce satellite abrite un matériau miracle : l’unobtainium. On notera le jeu de mots avec « obtain », qui signifie obtenir en anglais, et donc « unobtain », sa négation ! S’ensuit alors un affrontement entre les habitants de Pandora qui refusent, à raison, de laisser les humains détruire leur habitat, et les méchants terriens aveuglés par l’appât du gain. Le film, qui se veut engagé écologiquement, livre une véritable apologie de la nature en montrant des paysages époustouflants, notamment par la bioluminescence présente partout sur Pandora !
Et si, de toute manière, la vie n’était pas possible sur Pandora ? Dans un précédent article publié sur Futura, était évoqué la faible probabilité qu’une vie se développe sur Pandora. En effet, celle-ci étant très proche de sa planète, il y a un risque d’emballement de l’effet de serre. Dans ce cas, l’atmosphère du satellite deviendrait similaire à celle de la planète Vénus et donc irrespirable et hostile à l’apparition de vie. Il faut donc une distance minimale pour éviter ce phénomène. Mais une autre condition nécessaire à la présence de vie se trouve être la protection contre les rayons cosmiques, autrement dit la protection de l’exolune par la magnétosphère de sa planète hôte. Or, pour que la protection soit suffisante, il faut que les deux astres soient très proches, tellement proches que cela provoquerait alors un emballement de l’effet de serre !
L’unobtainium, matériau extraordinaire de Pandora, un supraconducteur ?
Imaginons néanmoins qu’une vie apparaisse, et que les Na’vis puissent exister. De quoi se compose leur atmosphère ? On le voit dans le film, l’air n’est pas respirable par les humains, mais pas toxique. Ils n’ont besoin que d’un masque, mais peuvent laisser la peau à l’air libre lorsqu’ils se baladent. On apprend aussi dans Avatar que, sans masque, un humain devient inconscient en 20 secondes et meurt en 4 minutes. Une donnée qui permet à l’astrophysicien Roland Lehoucq d’imaginer une atmosphère qui contiendrait bien plus de CO2 que sur Terre, où la teneur moyenne est d’environ 0,04 %. On en arrive à la problématique de la température trop élevée par rapport à l’effet de serre versus la protection des rayons cosmiques par le champ magnétique de Polyphème !
Enfin, l’unobtainium, la cause de l’arrivée des humains sur Pandora. Comme le rappelle Roland Lehoucq, le suffixe « ium » évoque un élément atomique, plutôt qu’un minerai dans lequel on aurait plutôt « ite ». Ce matériau presque magique permet à certains endroits de la lune de flotter, d’où la vision d’îles flottantes dans le paysage de Pandora ! Or, l’une des possibilités invoquées pour une telle prouesse se trouve être la lévitation magnétique avec des supraconducteurs. Certains matériaux, lorsqu’ils sont refroidis à température très basse, deviennent supraconducteurs : leur résistance électrique devient nulle.
Mais, surtout, placés au-dessus d’un aimant, leur champ magnétique s’oppose à celui de l’aimant, induisant une opposition entre les deux matériaux — comme pour deux pôles nord d’aimants qui se font face — et donc, une lévitation ! Mais, pour faire léviter des îles flottantes, dont le poids est considérable par rapport à un petit échantillon, le champ magnétique calculé par l’astrophysicien atteint… 10.000 teslas. En comparaison avec celui de la Terre qui vaut 50 millionièmes de teslas, une telle valeur est bien sûr inatteignable ! Sans compter que l’unobtainium serait un supraconducteur à température ambiante, du jamais vu sur Terre. Pas d’îles flottantes sur Pandora, donc…